Dans une décision consultée par l'AFP, le tribunal de grande instance de Paris a relevé le "délai déraisonnable de la procédure d'instruction" alors que ces neuf personnes, mises en examen en 1998, n'avaient depuis 1999 "plus jamais été entendues ni été confrontées à aucun protagoniste".
Le 30 juin 2016, une juge antiterroriste avait prononcé un non-lieu général dans cette enquête, restée ouverte malgré l'arrestation et les condamnations définitives entretemps des membres du commando et d'Yvan Colonna pour l'assassinat du préfet Érignac le 6 février 1998 à Ajaccio.
Ce non-lieu avait bénéficié à 31 personnes. Neuf d'entre elles, dont certaines ont été maintenues sous contrôle judiciaire jusqu'à la fin de la procédure, avaient saisi la justice pour obtenir la condamnation de l'État.
Le tribunal a pleinement reconnu leur "préjudice moral" et condamné à ce titre l'État à leur verser à chacune la somme de 100.000 euros à titre de dommages et intérêts, et à s'acquitter des frais de justice. Il a en revanche débouté les demandeurs de leur demande de réparation pour "préjudice économique".
La justice estime non seulement qu'une "faute lourde a été commise en laissant sous contrôle judiciaire depuis 1999 des personnes mises en examen qui n'ont plus jamais été entendues", mais a aussi relevé la lenteur du parquet, qui a rendu son réquisitoire définitif "plus de deux années" après que le juge eut clôturé son enquête, un délai "anormal".
L'avocat de sept des neuf demandeurs, Me Emmanuel Mercinier, a fait part à l'AFP de sa "satisfaction" après cette "double condamnation" de l'État, à la fois pour la durée de la mise en examen et du contrôle judiciaire de ses clients.
En novembre 2016, la procureur avait reconnu que le délai de cette procédure pouvait "être qualifié d'excessif et conduire à engager la responsabilité de l'État".
L'avocate de l'État avait tenté de justifier les 18 ans de procédure par "l'extrême complexité" du dossier. Au moment de l'assassinat du préfet Érignac, l'île était traversée par une contestation agricole violente contre une nouvelle politique du gouvernement resserrant la vis des aides financières.
L'ex-patron de la division antiterroriste, Roger Marion, s'était lancé sur cette "piste agricole" en raison de liens supposés de syndicalistes corses avec le nationalisme armé, estimant que le préfet aurait pu être assassiné pour s'être opposé au monde agricole. Dans ce volet de l'enquête, quelque 650 personnes ont été entendues, 350 placées en garde à vue et 42 mises en examen. Le véritable commando, objet d'une procédure distincte, avait été arrêté en 1999.
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