La patronne du parti Front national (FN) est certes pronostiquée battue au second tour le 7 mai mais "personne ne peut savoir ce qui va se passer, il y a quand même eu d'énormes surprises lors des dernières élections dans le monde", note Jean-Lou Blachier de la Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME).
Baisse du pouvoir d'achat, déficit commercial, faible croissance... Marine Le Pen accuse l'euro de tous les maux et défend le "patriotisme économique". "Les prix ont explosé quand on est passé à l'euro, cette vérité a été camouflée", a-t-elle insisté jeudi.
En tête de ses 144 engagements en cas de victoire: "Restituer au peuple français sa souveraineté" monétaire, territoriale et économique. Confortée par le Brexit, qui a fait s'écrouler le tabou d'une sortie de l'Union européenne, Marine Le Pen promet d'organiser un référendum sur l'appartenance de la France à l'UE qui "nous cadenasse, nous interdit, nous brime".
La candidate prévoit aussi le "rétablissement d'une monnaie nationale" et la taxation de certains produits importés.
Aux critiques, elle répond en dénonçant une "stratégie de la peur".
Malgré une opinion publique défavorable à la sortie de l'euro - 28% d'avis favorables contre 72% opposés, selon un récent sondage -, Marine Le Pen ne peut pas renoncer sans se renier. Ce scénario fait partie de l'ADN de son parti souverainiste et "anti-système", rappelle Dominique Meurs, professeur d'économie.
"La sortie de l'euro et de l'UE est complètement cohérente avec la vision identitaire de la nation portée par le FN, sa volonté de repli national et son refus total des décisions multilatérales", explique-t-elle.
Pour de nombreux experts, le retour à une monnaie nationale aurait des effets potentiellement ravageurs. "Si la France quitte la monnaie unique, c'est l'ensemble de la zone euro qui pourrait disparaître", avertit Mathieu Plane, de l'Observatoire français des conjonctures économiques, qui redoute "une crise sans précédent".
'Pouvoir d'achat'
Sur le plan financier, "la perspective d'un retour au franc" et les craintes de dévaluation "entraîneraient rapidement une sortie de capitaux des investisseurs institutionnels, français et étrangers, ainsi que ceux des particuliers", avec de graves répercussions pour le système bancaire, juge l'Institut Montaigne, centre de réflexion d'obédience libérale.
Soucieuse de rassurer, Mme Le Pen affirme qu'une monnaie dévaluée relancerait les exportations tricolores en les rendant moins chères, et rééquilibrerait ainsi la balance commerciale, très déficitaire.
Revers de la médaille, "nous importons des matières premières: forcément, on va les payer plus cher", rétorque Jean-Lou Blachier, qui dirige une holding industrielle.
Autre angoisse des entreprises: la hausse des droits de douane prévue par le FN. "Si on ferme nos frontières, il est évident que nos pays partenaires hésiteront à acheter nos marchandises", estime Paul Robert, de l'association "France Clusters" qui regroupe 60.000 entreprises.
Effet supplémentaire: le retour à une monnaie nationale entraînerait une hausse probable des taux d'intérêt, le profil de la France devenant plus risqué. Selon la Banque de France, rembourser la dette française coûterait ainsi 30 milliards d'euros de plus par an. Avec, à la clé, de graves conséquences économiques et sociales.
"Les dettes contractées par les entreprises et les ménages français augmenteraient. L'inflation, qui ne serait plus maîtrisée par la Banque centrale européenne (BCE), rongerait l'épargne, les revenus fixes des ménages ainsi que les petites retraites", prévient Benoit Coeuré, membre du directoire de la BCE.
"Le vrai +serial killer+ du pouvoir d'achat, c'est Mme Le Pen avec la sortie de la zone euro", a dénoncé le candidat de droite François Fillon.
"On nous dit tout et n'importe quoi sur le retour à la monnaie nationale", se défend la candidate, qui promet regain de compétitivité et créations d'emplois.
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