Dans leur ordonnance du 17 mars, les magistrats ordonnent que la maison mère UBS AG soit jugée pour "démarchage bancaire illégal" ainsi que "blanchiment aggravé de fraude fiscale" et sa filiale française pour "complicité", a appris l'AFP de source proche de l'enquête.
Les sommes en jeu sont colossales: d'après une source proche du dossier, les juges Guillaume Daïeff et Serge Tournaire évaluent le montant des avoirs non déclarés par UBS au fisc français à 10,6 milliards d'euros au 1er juin 2006, sans fournir d'estimation plus récente. Dans ses réquisitions en juin, le parquet national financier avait chiffré au minimum "le montant des sommes fraudées à 9,76 milliards d'euros".
L'amende encourue par la banque lors du procès peut se monter "jusqu'à la moitié de la valeur ou des fonds sur lesquels ont porté les opérations de blanchiment", selon le code pénal.
Entre 2004 et 2012, UBS a mis en place "pour ses clients résidents fiscaux français une série de services, procédés ou dispositifs destinés à dissimuler, placer ou convertir sciemment des fonds non déclarés" via notamment "des sociétés off-shores, des trusts ou des fondations", relèvent les magistrats.
Les juges ont aussi ordonné un procès pour cinq hauts responsables de la banque en France et en Suisse, dont Raoul Weil, ex-numéro trois d'UBS AG. Une procédure dite de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité, autrement dit un plaider coupable, a été lancée pour l'ancien numéro 2 d'UBS France, Patrick de Fayet.
UBS a contesté "les allégations et les qualifications retenues". La banque aura "la possibilité de répondre devant un tribunal aux accusations qui sont portées contre elle (...) et espère pouvoir bénéficier d'un procès équitable", a dit un porte-parole à l'AFP. "Ce qui nous est reproché n'est pas fondé", a commenté l'un de ses avocats, Denis Chemla.
Négociations infructueuses
UBS est accusée d'avoir envoyé en France des commerciaux chargés de démarcher une riche clientèle française repérée lors de réceptions, parties de chasse ou rencontres sportives, pour la convaincre d'ouvrir des comptes non déclarés en Suisse.
UBS aurait en outre effectué un démarchage illégal, ne disposant pas de licence pour opérer en France.
Pour masquer les mouvements de capitaux illicites entre les deux pays, la banque est aussi accusée d'avoir mis en place une double comptabilité, un système dénoncé par d'anciens salariés.
"Mon honneur va être enfin lavé. La société va devoir faire face à la vérité", a commenté Nicolas Forissier, l'un des principaux lanceurs d'alerte dans cette affaire. Cet ex-responsable de l'audit interne d'UBS France avait été licencié en 2009 pour faute grave.
Poursuivie depuis 2013 pour démarchage illicite, UBS AG avait été mise en examen en 2014 pour blanchiment aggravé de fraude fiscale. Les magistrats avaient assorti cette mise en examen d'une caution record de 1,1 milliard d'euros, que la banque a contestée, en vain, jusque devant la Cour européenne des droits de l'Homme.
Il y a quelques mois, la banque avait entamé des négociations informelles avec le PNF pour étudier la possibilité de mettre en place une convention judiciaire d'intérêt public (CJIP). Cette nouvelle procédure permet à une entreprise poursuivie pour corruption et/ou blanchiment de fraude fiscale de négocier une amende, sans aller en procès ni plaider coupable.
Ces négociations ont échoué car les parties "n'ont notamment pas réussi à s'accorder sur le montant des sommes", d'après une source proche du dossier.
UBS est, au même titre que d'autres banques mondiales comme la Britannique HSBC, dans le viseur de la justice de plusieurs pays.
Inculpée en Belgique pour fraude fiscale grave et organisée, UBS est aussi en première ligne dans le scandale des "Panama Papers". Aux Etats-Unis, accusée d'avoir permis à 20.000 riches clients américains de se soustraire au fisc en dissimulant quelque 20 milliards de dollars, elle a échappé aux poursuites en acquittant en 2009 une amende colossale de 780 millions de dollars.
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