Au bout de deux heures, il sature: "J'en ai ras-le-bol. J'ai essayé de venir ce matin pour voir tout le monde mais j'ai pas envie de rester. Je pensais que ça allait mais on n'a fait que parler (du drame, ndlr). J'vais pas rester jusqu'à 18H00. Quand quelqu'un a toqué à notre porte, j'étais en stress. J'arrive pas à me mettre au travail et à me sortir ce truc de la tête", ajoute ce littéraire, inscrit dans la classe du jeune tireur, Killian, âgé comme lui de 16 ans et incarcéré depuis samedi au quartier des mineurs de la maison d'arrêt de la ville.
"Y avait des psychologues dans la classe, mais on arrive plus à s'exprimer entre nous sur les réseaux sociaux. Ceux qui étaient le moins choqués se sont mis au travail la deuxième heure", relate-t-il.
Killian, "un élève lambda" selon la conseillère principale d'éducation Isabelle Martimort, "super discret" mais avec "des idées +chelou+" selon des camarades, a été mis en examen samedi pour "tentatives d'assassinat" et placé en détention provisoire, comme un de ses amis, un complice présumé.
Dès 07H45 lundi, une assistante d'éducation contrôle les carnets de correspondance, comme d'habitude. Au pied des escaliers, trois employés du rectorat font ouvrir les sacs, une mesure destinée à rassurer, comme la patrouille de police devant l'établissement. "Elle sera là aussi longtemps que nécessaire", indique le sous-préfet Philippe Castanet, "mais on ne va pas fouiller tous les élèves de tous les établissements scolaires de France suite à cet événement isolé".
Seule retouche à l'emploi du temps, des examens de TPE (travaux personnels encadrés) ont été reportés à la semaine prochaine pour les élèves de 1ère.
"Pas dormi de la nuit"
L'un des élèves blessés par des tirs de plomb a déjà pu revenir en classe, indique Jean-Marc Polpo, l'adjoint du proviseur blessé lui aussi jeudi par le tireur, touché au bras par une balle de petit calibre. "Presque tous les élèves sont en cours, l'interclasse s'est bien passé, les élèves sont courageux", commente-t-il.
Derrière cette apparente normalité, le qualificatif qui revient le plus souvent à la bouche des élèves est "bizarre" ou "difficile".
"Personne n'a été tué donc tout va bien mais je crois qu'on va quand même pas trop travailler aujourd'hui et surtout parler", avoue Chloé, 17 ans qui n'a "pas dormi de la nuit", idem "pendant tout le week-end" et qui "préférerait être tranquille chez elle". Sa copine Julia s'est aussi réveillée "en sueur" dans la nuit. "Dans la journée, si je me sens pas bien, j'irai voir la cellule psy", dit-elle.
Leur ami Lou-Evan, 17 ans, connaissait le tireur. "J'écoute le même groupe de heavy metal que lui, Slipknot, mais lui c'était pour le côté glauque, moi, c'est le côté musical".
Tétanisée devant le portail du lycée, Jennifer, 18 ans, préfère attendre sa copine Alizée pour entrer. "T'as peur de revoir les images ?", lui demande une autre camarade tandis qu'une surveillante bat le rappel des troupes. "Ca va être l'heure, et ça fume, ça fume", sermonne-t-elle gentiment.
Un couple de parents vient excuser sa fille. "Elle a fait une crise d'angoisse, elle ne veut plus venir à l'école", explique la mère, qui refuse de donner son nom.
"Ce sont les filles qui sont le plus stressées, elles sont plus sensibles", commente Jérémy, 17 ans. "C'est surtout la prof qui voulait parler", estime pour sa part Aichoura, 16 ans, qui sort d'une première heure de français qui s'est transformée en séance de psychothérapie de groupe: "On a parlé du garçon, de la sécurité au lycée, du fait qu'on peut y rentrer facilement, ça a fait du bien".
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