"Je me considère comme un véritable citoyen, et j'ai l'impression que mes droits sont bafoués". Pour Kevin Fermine, 25 ans, atteint du "syndrome de Little" (dégénérescence des neurones) et en fauteuil roulant depuis son plus jeune âge, c'est lors de voyages réguliers entre Montpellier, Toulouse et Paris que la colère a commencé à monter.
"Je suis placé au milieu de la rame, les autres passagers sont obligés de m'enjamber. Je n'ai pas accès aux toilettes. [...] Je n'ai pas accès à la voiture-bar. Le bouton d'assistance est très souvent désactivé", énumère cet étudiant en droit, qui vit avec un chien d'assistance.
Sur un long trajet, "il m'est déjà arrivé de m'uriner dessus, tout simplement parce que je n'ai pas pu aller aux toilettes. C'est vraiment très dégradant, je ne le supporte plus", s'emporte-t-il.
A l'automne, il a porté plainte pour "discrimination" contre la SNCF et entamé une procédure au tribunal administratif pour "mise en conformité", sous peine d'astreinte.
"Je suis conscient que les problèmes ne peuvent pas se régler du jour au lendemain à l'aide d'une baguette magique, mais il faut se dire, quand même, que la première loi d'accessibilité date de 1975", rappelle-t-il.
En 2005, la loi handicap prévoyait que les lieux et transports publics soient accessibles aux quelque 10 millions de personnes souffrant d'un handicap - moteur, visuel, mental ou auditif - avant le 1er janvier 2015.
Cette échéance n'ayant pas été respectée, la loi du 5 août 2015 a instauré de nouveaux délais: trois ans pour les transports urbains, six ans pour les liaisons interurbaines et neuf ans pour le trafic ferroviaire.
Dans le cas de M. Fermine, "c'est malheureusement réel, les faits sont incontestables, mais ça s'explique", a réagi auprès de l'AFP Carole Guéchi, directrice de l'accessibilité à la SNCF. "Pour les personnes en fauteuil électrique, les difficultés de voyage sur certaines lignes sont avérées".
"Le TGV Atlantique date de 1980, et le Duplex de 1995, donc ce ne sont pas des TGV jeunes et, du coup, la règlementation en vigueur à l'époque quand on faisait de l'accessibilité, c'est loin, loin, loin de ce qu'on fait aujourd'hui".
Mais "la situation est en train d'évoluer", souligne-t-elle, notamment avec les nouvelles rames TER Regiolis et le TGV Océane.
"Ras-le-bol"
En novembre 2016, la SNCF a annoncé que près de 740 gares supplémentaires seraient aménagées d'ici 2024, en plus des 638 déjà accessibles, pour un investissement de 3 milliards d'euros des régions et de l'État.
Au total, cela doit représenter un peu moins de la moitié des 3.000 gares françaises - les plus fréquentées -. A l'heure actuelle, 5 millions de personnes en situation de handicap prennent le train chaque année, selon la SNCF.
Mais malgré tous ces efforts, les difficultés dans les transports font partie du quotidien des personnes en situation de handicap, selon des associations.
La plainte de M. Fermine "traduit effectivement le ras-le-bol des personnes handicapées", estime Arnaud de Broca, secrétaire général de la Fédération nationale des accidentés du travail et des handicapés (FNATH).
"Certes, ça s'améliore, mais pas assez", estime-t-il, citant des obstacles rencontrés sur les lignes de bus rurales, le métro parisien ou les avions.
Vincent Assante, président de l'Association nationale pour l'intégration des handicapés moteurs (ANPIHM) confirme: "Pendant très longtemps, on a considéré que c'était à la personne handicapée à s'adapter à la société, plutôt que d'adapter la société aux besoins de l'ensemble des personnes".
Recherche d'emploi, séances de cinéma, fêtes familiales... autant de déplacements qui peuvent être entravés, d'autant que beaucoup de personnes handicapées ont un pouvoir d'achat "très bas", assure Pascal Bureau, administrateur à l'Association des Paralysés de France (APF).
"L'autonomie, aller où on veut, on est très loin de l'avoir à l'heure actuelle".
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