"Je continuerai tant que les gens auront besoin de moi. Je ne peux pas les laisser tomber", lance, la voix sûre et le débit vif, la praticienne qui semble incapable de rester assise dans le fauteuil de son cabinet, installé au rez-de-chaussée de sa maison.
Le Dr Foucry ausculte en moyenne dix patients chaque jour, chez elle ou à domicile si nécessaire. Car elle conduit encore volontiers, et plutôt vite, comme peuvent en témoigner les gendarmes qui l'ont arrêtée pour excès de vitesse voici seulement quelques semaines. "Heureusement, ils me connaissaient", pouffe la doctoresse blonde et élancée, aux cheveux courts et aux nombreux bijoux.
Car tout le monde connaît Micheline Foucry dans ce petit coin de campagne entre Rochefort et Surgères. Entre autres parce qu'elle fut maire de Muron (1.300 habitants) de 1982 à 2001. "Il n'y avait pas beaucoup de femmes maire à l'époque, raconte-telle. Il n'y avait pas beaucoup de femmes médecin non plus d'ailleurs..."
Après ses études à Paris, où elle a grandi au sein d'une famille aisée, elle a débuté comme interne à la maternité de Fécamp (Seine-Maritime). Elle y a appris à accoucher. Puis elle a suivi son mari Claude, médecin lui aussi (aujourd'hui décédé), à Philippeville (aujourd'hui Skikda, en Algérie) où elle s'est formée à la chirurgie. "J'ai pratiqué la médecine de guerre aussi. Je devais trier les blessés, ceux touchés au ventre, ceux qu'il fallait amputer et ceux pour qui il n'y avait plus rien à faire", se souvient-elle.
C'est en pleine guerre d'Algérie qu'elle rentre en France et se fixe à Muron, "parce que j'ai toujours froid et parce que je voulais voir la mer". Et aussi parce que c'est sur l'île d'Oléron voisine qu'elle a passé son voyage de noces.
Ni scanner, ni carte Vitale
Micheline Foucry s'estime "pas trop bête" mais l'admet, sa pratique de la médecine ne correspond plus aux usages d'aujourd'hui. Elle ne prend pas la carte Vitale, rédige toujours les feuilles de soin à la main et travaille sans ordinateur. Et c'est vrai qu'elle ne sait pas non plus lire un scanner ou une IRM: les spécialistes lui rédigent si nécessaire "un compte-rendu écrit" et elle peut aussi compter sur son fils, médecin lui aussi et installé à quelques kilomètres d'elle.
Mais "si vous vous coupez un samedi, je vous recouds", souligne t-elle. "Cela soulage les urgences de l'hôpital de Rochefort. D'ailleurs ils m'ont appelé pour me remercier il n'y a pas longtemps, parce que ça les aide", assure le Dr Foucry.
Car sa conception de la médecine, c'est "aller chez les gens, être disponible. Il y a une trentaine d'années, j'ai appris un matin qu'une de mes patientes n'avait pas trait ses vaches. Je me suis dis +c'est grave+. Elle s'était perforée la rate...", raconte-t-elle.
"Je connais bien mes patients. Je sais ceux qui ont toujours mal partout et ceux pour qui il ne faut pas attendre. C'est ça un médecin de famille", résume Micheline Foucry, qui se sent en décalage avec nombre de ses jeunes collègues sur ce sujet.
Elle juge la médecine actuelle "épouvantable, sans coeur". "Les médecins sont en nombre là où on peut faire du bateau, mais on manque de médecins de campagne", affirme-t-elle, déplorant que trop de jeunes praticiens rechignent à effectuer les gardes.
"A mon époque, on était de garde tout le temps. Mon mari les assurait jusqu'à minuit et je faisais le reste de la nuit. Il m'est arrivé de travailler 36 heures de suite", assure-t-elle.
Les jeunes? "Ils disent qu'ils ont assez de patients, qu'ils s'occupent de leurs enfants. Mais je n'ai jamais laissé personne s'occuper des miens! Et j'en ai quatre. Et si vous m'appelez, vous avez un rendez-vous le lendemain", rétorque-t-elle, se reprenant aussitôt: "Mais je ne veux pas parler des autres médecins. Je suis une vieille"...
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