"C'est un tableau magnifique qui était complètement inconnu. Il a échappé à l'attention de tous les biographes", confie à l'AFP Bruno Mottin, conservateur au Centre de recherche et de restauration des musées de France, spécialiste reconnu de la technique de Gustave Courbet.
Paradoxe de l'histoire, ce tableau de 58x71,5 cm, reposait oublié dans les réserves du musée local depuis la Deuxième Guerre mondiale. Il avait été légué en 1892 à Granville avec deux autres toiles portant elles aussi la signature "Gustave Courbet" mais qui n'étaient pas de lui. Leur donateur était un certain Louis Boisnard qui les céda au décès de son frère, lieutenant de vaisseau granvillais.
Avec son Aiguille du Midi en arrière plan, la Vue du Lac Léman, ainsi que l'a décrit la mairie, "mêle dans le même scintillement, les reflets du lac, le ciel et les nuages qui couvrent les sommets".
Pour Bruno Mottin, l'attribution à l'illustre artiste ne fait pas de doute: "C'est un niveau de qualité très élevée. Et il y a quelques tableaux (de Courbet) dont on peut rapprocher celui-ci qui permettent d'être vraiment sûr".
Avec cette oeuvre datée de 1876, soit un an avant la mort de Courbet et deux ans après "Impression, soleil Levant" de Claude Monet qui marquera la naissance de l'impressionnisme, "on comprend que Courbet était très proche des impressionnistes à la fin de sa vie et pourquoi il les a influencés", estime M. Mottin.
Courbet livre "ici une composition argentée, bleue et blanc, d'une sensibilité extraordinaire" à la nature et à la lumière, comme les impressionnistes, précise le conservateur parisien.
"Ce tableau est d'autant plus émouvant qu'il est à la frontière entre quelque chose qui est en train de se terminer", la vie de Courbet, et "l'amorce de quelque chose d'autre", l'impressionnisme, souligne Brigitte Richard, conservatrice des musées de Granville.
'Découverte de la haute montagne'
En exil en Suisse, le peintre réaliste né en 1819 "a découvert la haute montagne à travers les Alpes, la neige, les grandes étendues d'eau, l'association des deux", poursuit M. Mottin.
Le peintre de "L'Origine du monde" s'était installé à la Tour de Peilz, au bord du Lac Léman, après avoir été condamné à Paris pour la démolition en 1871, pendant la Commune de Paris, de la colonne Vendôme, symbole napoléonien.
Courbet connaît alors "un gros passage à vide" et la qualité de sa production baisse alors. "Quelques tableaux de la fin de sa vie font exception dont celui-là. Mais il faut vraiment le trouver dans une meule de choses assez variées", explique M. Mottin.
D'autant que l'artiste est "énormément contrefait". C'est peut-être ce qui explique en partie que ce tableau ait si longtemps échappé aux radars des spécialistes.
"Il y a un énorme problème d'attribution de la fin de Courbet. Beaucoup de gens le copient. Et il emploie des collaborateurs qui préparent les tableaux voire les peignent totalement et dont il signe les oeuvres sans vergogne", explique M. Mottin.
Ce paysage très loin de l'image de la Normandie vallonnée ne correspondait pas à la thématique du musée d'art et d'histoire choisie à la Libération, axée sur Granville. Le tableau n'a refait surface qu'à la faveur d'un réexamen des collections, intensifié après la fermeture fin 2015 du musée pour raison de sécurité.
La "Vue du Lac Léman" a été exposée entre fin décembre et le 5 mars, avant que son attribution ne soit annoncée le 6 mars. Le tableau sera de nouveau visible ce weekend et cet été au musée d'art moderne de Granville.
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