Les forces de sécurité irakiennes ont repris ce bâtiment dans le cadre de leur offensive dans l'ouest de Mossoul, dont elles veulent chasser les jihadistes.
Une victoire symbolique: le groupe extrémiste avait ravagé à coup de masses et au marteau-piqueur des statues antiques et des trésors pré-islamiques du musée de la deuxième ville d'Irak, mettant en scène cet acharnement dans une vidéo diffusée en février 2015.
Les dommages sont irréversibles. Rien n'a réchappé aux jihadistes, qui se sont aussi livrés à des destructions sur plusieurs sites archéologiques en Irak et en Syrie, quand ils ne pratiquaient pas le trafic d'antiquités pour financer leurs activités.
Dans le bâtiment en ruines, un amoncellement de pierres trône désormais là où les touristes pouvaient autrefois admirer deux imposants "lamassu".
Ces taureaux ailés assyriens à face humaine faisaient plus de deux mètres de hauteur et pesaient plus de quatre tonnes, se souvient Layla Salih, une archéologue. Cette dernière, rencontrée par l'AFP à Erbil, n'a pas encore eu l'opportunité de se rendre sur le site du musée.
Là, on reconnaît ce qui semble être des pattes. Plus loin, ce sont les restes des ailes. D'autres pierres affichent des inscriptions en alphabet cunéiforme. Le tout disséminé autour d'un trou béant menant au sous-sol, qui dévoile les barres de fer tordues des fondations.
De temps en temps, une explosion fait trembler le bâtiment de pierre ocre à l'architecture épurée, alors que les forces de sécurité irakiennes tirent des roquettes sur les positions de l'EI.
Outre les deux "lamassu", le musée hébergeait un lion ailé de proportions similaires, explique Mme Salih.
Les trois sculptures "étaient parmi les pièces les plus précieuses du musée", déplore-t-elle. "Des antiquités qui pèsent plus de quatre tonnes, c'était impossible pour eux de les voler, elles ont donc été détruites sur place".
Coffrets vides
L'Assyrie, avec sa capitale Ninive (dans l'Irak actuel), était un puissant empire du nord de la Mésopotamie. L'art assyrien est particulièrement célèbre pour ses bas-reliefs montrant notamment des scènes de guerre.
Le musée de Mossoul, le deuxième plus important du pays, abritait des objets inestimables de cette période ainsi que de la ère hellénistique, datant de plusieurs siècles avant l'ère chrétienne.
Mais désormais, les coffrets de présentation en fer et en bois sont vides, couverts de verre brisé.
Jetées à même le sol, des étiquettes, en arabe et en anglais, sont là pour témoigner des pertes inestimables: "Deux gobelets en argent retrouvés au cimetière royal de Ur (….) datant de 2.600 avant J.-C.", "Divers petits objets retrouvés dans les Palais royaux de Nimrod – IXe siècle avant J.-C.", "Un bougeoir en cuivre (…) décoré de motifs floraux, datant de la période des Mamelouks, au XIIIe siècle après J.-C.".
Selon Mme Salih, l'institution exposait une centaine de pièces, dont seules six étaient des copies.
Après la proclamation en 2014 de son "califat" à cheval sur l'Irak et la Syrie, l'EI a multiplié les destructions massives sur les sites antiques, filmant souvent ses exactions dans des vidéos spectaculaires, comme à Nimrod, joyau de l'empire assyrien fondé au XIIIe siècle avant J.-C. et détruit au bulldozer, à la pioche et à l'explosif.
Au musée de Mossoul, seuls ont échappé au carnage deux coffres funéraires en bois massif de couleur sombre, décorés d'inscriptions coraniques calligraphiées, qui appartenaient selon Mme Salih à des imams chiites ayant vécu au XIIIe siècle.
"Une restauration est possible, mais la difficulté c'est de savoir si on retrouvera tous les fragments, où si certains manquent", s'interroge Mme Salih au sujet des antiquités détruites. Il faudra aussi du temps, souligne-t-elle, pour retrouver les objets subtilisés par l'EI pour être vendus au marché noir.
Au premier étage, deux snipers des forces de sécurité irakiennes, tapis derrière des fenêtres étroites, tiennent leur arme en joue. A quelques mètres de là, un sniper de l'EI est aux aguets.
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