"Et çà s'est calmé ?", s'enquiert la proviseure de l'établissement, Florence Gauthier, lors d'un atelier de travail en petit groupe. "Euh, on attend la fin de l'histoire", hésite le jeune Casque bleu en cartable. "J'ai pas trop l'impression mais il ne vient plus vers lui", ajoute-t-il à propos du harceleur et de sa victime.
De la 6e à la 3e, ils sont une cinquantaine sur 700 à avoir répondu présents à l'appel lancé par la proviseure et la brigade locale de gendarmerie pour la prévention de la délinquance juvénile contre le harcèlement.
Selon des études, 7% des 3,2 millions de collégiens français se disent victimes de harcèlement "sévère".
"Il ne s'agit pas d'aller casser la gueule à celui qui embête ou de le traiter de +brute+", explique Mme Gauthier. "Notre but est d'empêcher que la victime reste isolée. Les +copains vigilants+ font partie de cette masse silencieuse d'élèves qui normalement détournent les yeux et estiment qu'ils ne sont pas concernés. En devenant +copains vigilants+, ils sortent du silence".
"Ce n'est pas de la délation et c'est en cela qu'on se sépare des +Voisins vigilants+ qui appellent la police", ajoute Mme Gauthier, en référence au concept d'entraide entre habitants de certains quartiers contre le cambriolage.
"Cela multiplie les capteurs", ajoute l'assistante sociale Catherine Le Lan qui a pu déjà intervenir à temps auprès d'une dizaine d'élèves. "Les agresseurs sont souvent des élèves qui ne se sentent pas bien dans les apprentissages. Pour exister et avoir un rôle social, à défaut de celui d'élève, ils vont être exubérants. Ce n'est pas forcément toujours pour nuire mais aussi pour passer le temps".
"Réconfort"
Lors d'une réunion à laquelle assiste l'AFP, les volontaires de 6e et 5e se retrouvent pour échanger leurs impressions.
Sur des posters au logo "Copains vigilants", ils sont invités à mettre des mots sur l'expérience qu'ils vivent depuis la rentrée, leurs difficultés ou les avantages qu'ils en retirent comme "manifester de la sensibilité" ou "reconnaître le point de vue d'autrui".
"L'école sert à faire des citoyens, pas seulement à la transmission des savoirs", souligne Mme Le Lan qui les assiste dans cet exercice.
Un dictionnaire est posé devant Louis, 11 ans. Il a eu besoin de chercher l'orthographe du mot "réconfort".
Son copain Aubry, 11 ans, raconte qu'il est intervenu pour un camarade "qui se faisait souvent traiter de trisomique, de handicapé ou de otite, euh...autiste", se corrige-t-il.
"Je voyais qu'ils se cherchaient, pas physiquement mais verbalement. Un jour j'ai demandé pourquoi, ils n'osaient pas trop répondre et la victime a pleuré. Du coup je suis allé voir un adulte pour lui en parler et ça s'est bien terminé. Je n'ai rien fait d'incroyable mais on peut faire un truc simple et rendre les gens heureux", relate-t-il.
"Je trouve que c'est bien", observe Inès, élève de 3e. "Il y avait une nouvelle dans ma classe, tout le monde en parlait et on nous a dit d'arrêter et d'être gentils. Du coup, j'ai appris à la connaître".
Les problèmes de harcèlement à l'école ne sont pas spécifiques à l'académie de Nice (33 cas sensibles en 2016 comme en 2015) mais le drame de Noémya Grohan au collège de Vence, révélé des années plus tard dans un livre paru en 2014 "De la rage dans mon cartable", avait bousculé les consciences.
"C'est l'attitude des témoins qui fait la différence", explique à l'AFP cette jeune femme, âgée aujourd'hui de 28 ans, à propos de l'expérience de La Colle-sur-Loup. "Une petite vanne, une moquerie, une tape sur la tête, si les autres rigolent ou ne disent rien, les harceleurs se sentent valorisés. Si les autres montrent que c'est inacceptable, ça peut stopper".
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