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"Kalakuta Republik": l'Afrique et la révolution en dansant

Explosion de rythmes afrobeat, corps virtuoses, puissants et sensuels, "Kalakuta Republik", du danseur Serge Aimé Coulibaly, puise son inspiration dans la vie du musicien nigérian Fela Kuti et fait vibrer Lyon ce week-end avant le Festival d'Avignon, cet été.

"Kalakuta Republik": l'Afrique et la révolution en dansant
Répétition du spectacle "Kalakuta Republik", du danseur Serge Aimé Coulibaly, le 10 mars 2017 à Lyon - JEAN-PHILIPPE KSIAZEK [AFP]

Porte-voix de toute une génération et père de l'afrobeat, mêlant jazz, funk et musique traditionnelle africaine, le sulfureux et charismatique Fela Kuti, disparu en 1997, est une légende. Cet artiste engagé a passé sa vie à lutter pour la liberté. Kalakuta Republik était son éphémère organisation dans les années 1970 et sa maison-forteresse à Lagos, rasée par la dictature militaire.

"C'est une figure qui m'inspire. Il est le condensé de toutes les contradictions d'une société. Je joue de ces contradictions dans mon spectacle", explique à l'AFP le chorégraphe belgo-burkinabé de 45 ans. "Mais Fela est un prétexte pour évoquer ce qui se passe aujourd'hui dans le monde, les guerres, les réfugiés, les traumatismes, l'espoir né des révolutions et ses lendemains si difficiles".

Sur la scène de la Maison de la danse, les artistes vivent la musique comme une urgence. Ils tremblent, se heurtent, tournoient, plongent au sol, se déhanchent sauvagement ou se figent, tendent les poings vers le ciel, se dénudent. En solo, en duo ou à l'unisson. Costumes et décors sont en noir et blanc, comme les images d'archives de villes anéanties par les bombardements et de colonnes d'exilés qui défilent à l'arrière-plan dans la première partie du spectacle.

Ils sont sept sur scène, "d'origine burkinabé ou camerounaise. Il y a aussi une artiste blanche, Marion Alzieu. Tous aussi engagés dans la danse", souligne Serge Aimé Coulibaly. Torse nu sous un costume de ville, il danse mais distancé, en retrait des six autres. "Je figure Fela, le chef d'orchestre, et moi-même, le chorégraphe", dit ce militant de la danse, de l'Afrique et des droits de l'Homme.

Paradoxes

Dans la deuxième partie, le spectateur plonge dans l'intimité du musicien et leader politique. Couleurs vives et musique éclatent. Les corps deviennent lascifs, érotiques, dans une ambiance sulfureuse et décadente de sexe et d'ivresse... Une danseuse chante. Un danseur scande: "Un jour, je serai le président de ce pays".

"Ici, c'est le bar où Fela jouait et faisait de la politique, parlait de changer de monde. Un espace de liberté", raconte le chorégraphe. "Je voulais voir la beauté derrière la laideur".

Des phrases sur un écran illustrent les paradoxes de Fela. Ainsi, "il était attaqué par les féministes, pourtant sa vie a été façonnée par les femmes, sa mère ou Sandra Smith, militante des Black Panthers".

A la fin du spectacle, les danseurs portent avec solennité leurs partenaires féminines sur les épaules. "Ne dit-on pas que les femmes sont l'avenir de l'homme", lance le chorégraphe dans un rire. "Pour moi, le débat hommes/femmes n'existe pas". De même, "pour toutes les différences. C'est ce que je veux transmettre avec la danse".

Après Lyon, le spectacle tournera aux festivals de Marseille puis d'Avignon, ou encore à Amsterdam, et l'été 2018 en Afrique, indique Serge Aimé Coulibaly, qui vit à Bruxelles. "C'est là que je paye mes impôts, sourit-il, mais je travaille partout, en Europe, au Burkina, en Australie où je collabore depuis 12 ans avec une compagnie aborigène. Ils ont une autre philosophie de la vie... Et ils ne sont pas non plus compris".

L'artiste a d'abord été danseur chez Alain Platel ("Wolf" en 2003) et Sidi Larbi Cherkaoui ("Tempus Fugit" en 2005, déjà à Avignon). Il avait aussi créé sa propre compagnie, Faso Danse Théâtre.

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