"Tous les faisceaux d'indices convergent vers une grande prudence quant à l'utilisation de ce médicament au 1er trimestre de grossesse" résume Bernard Jégou, le chercheur de l'Institut national français de recherche sur la santé (Inserm), qui a coordonné l'étude.
Disponible sans ordonnance dans de nombreux pays dont la France, l'ibuprofène fait partie des médicaments généralement autorisés en début de grossesse tout comme l'aspirine ou le paracétamol.
Selon l'étude, une femme sur dix reconnaît en avoir pris pendant sa grossesse, mais ce nombre pourrait, selon certaines estimations, atteindre 3 sur 10.
Plusieurs études épidémiologiques publiées ces dernières années ont montré une association entre la prise de ces médicaments anti-douleur pendant la grossesse et la survenue d'effets indésirables chez les enfants à naître (petit poids de naissance, prématurité, asthme...).
Certaines ont également mentionné des risques accrus d'anomalies de l'appareil reproducteur des garçons à naître, essentiellement la cryptorchidie, une mauvaise descente des testicules - qui augmente le risque d'infertilité ou de cancer du testicule -, ou l'hypospadias, une malformation de l'urètre.
Pour confirmer ces données, des chercheurs de l'Inserm travaillant au sein de l'Institut de recherche en santé, environnement et travail (IRSET) ont, avec des collègues écossais et danois, entrepris d'étudier les effets de l'ibuprofène sur des testicules de foetus humain, "récupérés sur des produits d'avortement", avec l'accord des femmes concernées.
Dans une première étude, les testicules ont été mis en culture et dans une seconde, ils ont été greffés sur des souris.
Les chercheurs ont découvert que l'ibuprofène entraînait des perturbations du système hormonal dans le testicule foetal humain, en supprimant la production de diverses hormones testiculaires dont la testostérone "qui contrôle les caractères sexuels primaires et secondaires et la descente des testicules".
Tous les effets ont été observés en début de grossesse (essentiellement entre les huitième et dixième semaines) et pour des doses analogues à celles retrouvées chez les femmes ayant pris de l'ibuprofène.
Aucun effet n'a en revanche été retrouvé lors de tests menés au second trimestre.
Selon M. Jégou, le risque de cryptorchidie serait doublé chez les petits garçons nés de femmes ayant pris de l'ibuprofène, ce qui devrait "envoyer un signal" aux autorités sanitaires pour qu'elles revoient leurs recommandations en ce qui concerne la prise de ce médicament en début de grossesse.
En janvier, l'agence française du médicament ANSM a rappelé que tous les médicaments anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS), dont l'ibuprofène, sont contre-indiqués à partir du 6e mois de grossesse en raison de leur toxicité (atteintes rénales et cardio-pulmonaires) pour le foetus ou le nouveau-né.
Pour M. Jégou qui a également travaillé sur les effets du paracétamol et de l'aspirine, le message aux femmes enceintes est clair : "Vous pouvez prendre de l'ibuprofène ponctuellement et à petites doses mais surtout ne pas en prendre en même temps que d'autres médicaments anti-douleur, pour éviter de multiplier très fortement le risque de cryptorchidie."
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