"Il est parti cette nuit en écoutant du jazz, on lui a mis du Oscar Peterson, il adorait ce pianiste", a dit à l'AFP l'un de ses fils, Thierry.
Décédé à Paris, peu après minuit, à 82 ans, "il est parti apaisé", selon son autre fils, Christian. Depuis quelque temps, "il était très diminué".
Mais jusqu'à il y a encore deux ans, il continua de présenter, de sa voix gouailleuse, un magazine hebdomadaire sur TSF Jazz.
"Je ne sais rien faire d'autre qu'exercer mon métier", écrivait-il dans ses mémoires, intitulées "Radioactif" (2006).
Pierre Bouteiller aura passé plus d'un demi-siècle derrière les micros, comme journaliste puis comme animateur, consacrant sa vie à la radio - hormis un bref passage à la direction des programmes de TF1 de 1981 à 1982.
Après la disparition de Jacques Chancel en 2014 et de José Artur en 2015, il restait une des dernières figures de la radio des années 70-80, exigeante et divertissante.
"C'était l'époque du +système ABC+, A pour Artur, B pour Bouteiller, C pour Chancel. Nous étions amis. Je suis le dernier", avait-il confié, visiblement affaibli, lors d'un hommage à l'animateur du Pop Club en février 2015.
'journaliste subjectif'
Né le 22 décembre 1934 à Angers (Maine-et-Loire), d'un père lorientais et d'une mère limougeaude, le jeune homme fait des études de psychologie à la Sorbonne. Mais sa passion pour le jazz le pousse vers la radio.
En 1958 il entre à Europe 1. Grand reporter, il propose en 1969 une émission à France Inter, "Embouteillage". Il quitte la rue François Ier - renvoyé pour un gag sur le général de Gaulle - et s'installe à Radio France.
Là, de 1982 à 1989, il anime la mythique émission culturelle "Le masque et la plume".
De passage à la direction des programmes de TF1 en 1981, il se félicitera plus tard d'avoir supprimé l'Eurovision de la grille, "cette émission merdique, tout un lobby de producteurs, attachés de presse, chanteurs, éditeurs, phonographes".
Il avait également mis en place "Droit de réponse", avec Michel Polac.
Caustique, impertinent, jamais avare d'un trait d'esprit, il aimait se définir comme un "journaliste subjectif". Il devient directeur de France Inter en 1989, jusqu'en 1996.
Il y recrute par exemple Laurent Ruquier, qui disait vendredi avoir "passé dix ans formidables, c'était quelqu'un qui vous protégeait". Simplement, "il ne fallait pas le déranger pendant Roland Garros!"
Directeur de France Musiques de 1999 à 2004 (il rajoute alors le "s" à "Musique"), Pierre Bouteiller fut candidat fin 1995 à la présidence de Radio France.
Il est battu sur le fil par Michel Boyon, "énarque, giscardien", un homme qui "tout au long de ses cinq années de présidence à Radio France, eut du mal à distinguer un micro d'un grille-pain", écrit-il dans ses mémoires.
Pierre Bouteiller déplore surtout d'être mis à la retraite au printemps 2004 par le PDG de Radio France Jean-Paul Cluzel. Il se considère alors "évincé par un inspecteur des finances de passage venant d'inventer un nouveau concept: le limogeage pour cause de réussite".
"C'était un homme plein d'humour et de culture, qui imagina des émissions mythiques", a réagi vendredi le PDG de Radio France Mathieu Gallet, pour qui "son esprit et sa générosité ont contribué à façonner l'identité de France Inter et de France Musique".
Mais en dehors de la radio, la musique était toute sa vie. Amateur de jazz et pianiste dilettante, il courut les concerts d'Ella Fitzgerald, Sarah Vaughan, Count Basie, Frank Sinatra, Billie Holliday ou... Oscar Peterson.
"J'aimais parler avec lui, parce qu'il connaissait bien son +produit+, et parce qu'il guettait et testait la vivacité de ses interlocuteurs, avec une certaine causticité", disait de lui François Lacharme, président de l'Académie du jazz.
En 1999, il commence à présenter chaque matin l'émission "Si bémol et fadaises" sur TSF Jazz. En 2013, las de se lever avant l'aube, il inaugurait une formule diffusée les dimanches, pour laquelle il continuait de piocher dans son inépuisable discothèque de vinyles.
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