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A Mossoul, le quotidien infernal des civils sur la ligne de front

Dans le jardin d'une coquette villa de Mossoul-Ouest, à quelques blocs du front, trois soldats irakiens sont avachis sur l'escalier en pierre du perron. Pendant ce temps, Abou Mariam et sa famille déjeunent au sous–sol, où ils vivent depuis trois mois.

A Mossoul, le quotidien infernal des civils sur la ligne de front
Combats entre les forces progouvernementales et jihadistes de l'EI à Mossoul, en Irak, le 5 mars 2017 - ARIS MESSINIS [AFP]

La maison du fonctionnaire de 46 ans se trouve juste au pied du "quatrième pont" qui gît brisé en deux sur le Tigre. Les forces irakiennes ont récemment conquis ce pont et tentent de progresser dans Mossoul-Ouest face aux jihadistes du groupe Etat islamique (EI), après avoir repris fin janvier le contrôle total des quartiers orientaux.

Toutes les élégantes maisons du quartier désert affichent des fenêtres éventrées et des portes arrachées. Parfois, très rarement, des visages enfantins apparaissent derrière une fenêtre. Dans une allée de parking, une voiture carbonisée. Dans une autre, trois combattants de l'EI gisent morts, visage contre terre.

"J'ai peur qu'un obus de l'EI nous tombe dessus", confie à l'AFP Abou Mariam, arborant une légère moustache poivre et sel, un jean clair et un gilet noir. Alors qu'il parle, deux explosions viennent coup sur coup faire trembler la maison, qui a perdu toutes ses vitres.

Avec sa femme, leurs trois enfants, dont le plus jeune a quatre mois, et une voisine octogénaire qu'ils hébergent depuis 15 jours, la famille a abandonné la cuisine spacieuse, l'élégant salon avec un écran plat au mur et les vastes chambres du rez-de-chaussée pour trouver refuge au sous-sol.

'Mourir' seule

Dans le jardin, des soldats se prélassent sur le perron, sirotant le thé qu'Abou Mariam a préparé. Un autre a pris place sur une petite balancelle en fer blanc. La pelouse est envahie par des bouteilles d'eau en plastique vides et les boîtes en polystyrène qui contenaient leur repas.

"Ils ont fouillé la maison en arrivant, ils sont polis", assure le père de famille. Dans un coin de son sous-sol, quatre lits de différentes tailles sont serrés les uns contre les autres, face à un petit téléviseur qui diffuse les informations.

A l'autre bout de la pièce, des dizaines de bouteilles d'eau potable sont entreposées sous une table de cuisine sur laquelle se trouvent des paquets de riz et de boulgour. Un réchaud à gaz pour cuisiner est posé sur le sol.

"On ne monte que pour aller aux toilettes. Ca fait trois mois, depuis que les obus ont commencé à tomber sur le secteur", explique Abou Mariam. Deux projectiles ont atterri sur le toit de sa maison, et un troisième dans le jardin.

Blottie dans son lit, un châle sur les épaules, Souheir, la voisine de 82 ans qui s'exprime sous un pseudonyme, n'a jamais voulu quitter la maison qu'elle occupe depuis 40 ans. "Mes neveux m'ont suppliée encore et encore, mais je ne me sens à l'aise que chez moi, je ne voulais pas être un fardeau", confie cette proviseure à la retraite.

Elle a fini par céder lorsque les bombardements se sont rapprochés, et accepté de rejoindre la famille d'Abou Mariam. "Je me suis dis +je vais mourir et il y aura personne+".

Voiture piégée et drone

Comme de nombreux habitants de Mossoul, Abou Mariam se dit soulagé d'être débarrassé de l'EI, qui a conquis Mossoul en juin 2014.

"Avec l'EI, la situation était terrible. Ils te demandaient des comptes pour tout: ta barbe, tes vêtements, ta façon de marcher", raconte le quadragénaire qui refuse d'être filmé par peur des représailles.

"Une fois, ils ont demandé pourquoi ma fille avait un pantalon, alors qu'elle portait une veste longue et un foulard sur les cheveux. Elle n'a que dix ans!", s'exclame-t-il, désignant la jeune Mariam, béret jaune sur ses cheveux sagement coiffés pour accompagner son jean serti de strass. "On veut que tout Mossoul soit libéré, que la sécurité revienne."

Dehors, la violence fait rage. A quelques mètres seulement, les forces de sécurité font feu sur une voiture piégée, qui explose en provoquant une énorme boule de feu. Quelques minutes plus tard, accroupis sur la pelouse d'Abou Mariam, deux soldats des forces irakiennes tirent abondamment dans le ciel sur un drone envoyé par l'EI pour larguer des explosifs.

Un calme relatif revient et Abou Mariam surgit au détour d'une rue. "Les enfants ont eu peur, on va aller passer une nuit ou deux chez nos voisins, dans la rue derrière".

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