A la maison d'arrêt de Carcassonne, le chef d'établissement travaille à "pousser les murs" pour aider les détenus à s'en sortir. Et surtout à ne pas revenir.
"La prison, je la vois comme un passage", dit-il à l'AFP dans un bruit de clés et de portes qui claquent. "Quelle que soit la durée de la peine, la personne sortira un jour ou l'autre. Ici, on leur donne un cadre, des activités, pour éviter qu'ils récidivent".
En 32 ans et neuf établissements, de Clairvaux à Rodez, en passant par Fresnes ou encore Joux-la-ville, Olivier Vilmart a connu incendies, mutineries et prises d'otages. Il a croisé petites frappes et célébrités comme Mesrine, Carlos, le gang des postiches ou encore le Basque Philippe Bidart.
"C'est un métier un peu obscur, mais derrière les murs, on fait du social", explique-t-il alors que l'administration pénitentiaire achève lundi une grande campagne de recrutement.
"J'ai toujours essayé d'avoir un relationnel avec la personne détenue", confie-t-il dans son bureau. A Fresnes, avec 220 détenus par étage, "c'était très difficile de prendre soin d'un détenu". Ici, "c'est plus familial" et même si elle est surpeuplée à 180%, la maison d'arrêt, érigée depuis 1898 en plein centre-ville, compte actuellement 124 hommes (pour 64 places).
D'un oeil sur ses écrans de contrôle, Olivier Vilmart surveille les détenus qui jouent au ballon sur une pelouse synthétique. De l'autre, il contemple la citadelle médiévale à travers les barbelés.
"La prison, je suis né dedans", raconte le quinquagénaire aux yeux rieurs, dont le frère, le beau-frère et le fils aîné ont emprunté la même voie.
Cursus scolaire "chaotique" et milieu modeste, Olivier Vilmart a grandi à l'ombre de la Centrale de Clairvaux, principal employeur de la localité. "J'aurais pu finir de l'autre côté". Mais il tente et réussit le concours de la pénitentiaire avec un seul CAP d'électricien en poche.
Du 'porte-clef' au 'papa poule'
"L'administration pénitentiaire s'est énormément ouverte" depuis son premier poste de gardien à 20 ans.
Avant, il n'y avait pas de télévision en cellule, l'extinction des feux à 22H00 et un pot de chambre pour tout sanitaire.
"Le surveillant ouvrait la porte, fermait la porte: c'était vraiment qu'un porte-clef, tandis que maintenant on passe beaucoup plus de temps à l'écoute", se félicite M. Vilmart, crâne rasé et barbe grise taillée de près.
"C'est une relation de respect mutuel", explique-t-il, "si vous jugez, vous rompez tout lien". "Ce n'est pas parce que la personne est incarcérée qu'on doit la dominer: lui, il est là pour exécuter une peine, nous on est là pour la garde et la réinsertion".
Dans les coursives protégées par d'immenses filets anti-projection, on l'appelle "le paternel", "le chef" ou encore le "boss". Lui se présente volontiers comme un "papa poule" qui aime "cocooner" les détenus comme les surveillants.
Les prisonniers, "on détecte leur fragilité mais on ne doit pas les laisser faire la loi, la clé c'est le terrain", insiste-t-il.
Le plus possible, il assiste à la distribution des repas à la louche, "à l'ancienne, pour permettre le contact" avec le détenu.
"Salut les jeunes", aime dire Olivier Vilmart en entrant dans une cellule. "Bon courage les gars", lâche-t-il en quittant l'atelier du CAP cuisine. Il les vouvoie tous, "une marque de respect": Paulo, "l'auxi" qui fait le ménage dans son bureau, Ludo qui se lance dans l'informatique ou Olivier qui en a "connu des taules" et apprécie que le chef soit ici "convivial".
Ce lien est "très important pour les raisonner, en cas de coup dur", abonde son adjoint Nicolas Amouroux.
M. Vilmart accueille chaque arrivant - un par jour en moyenne -, lui énonce les règles de la prison, "l'incite à aller à l'école", à voir Pôle Emploi, la "psy" ou à suivre une formation "comme à l'extérieur".
Et "on les engueule quand ils reviennent", dit-il. Car "la prison on la fait pour soi-même, pas pour les autres: sur dix détenus, si vous en sortez un, c'est déjà bien".
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