Rêvant comme tant d'autres de devenir riche, cet homme corpulent, aujourd'hui âgé de 57 ans, est arrivé en 1982 à Güérima, dans le département de Vichada, frontalier du Venezuela, aux portes de l'Amazonie.
"On m'avait dit que planter de la coca rapportait bien", a raconté à l'AFP M. Montiel, resté depuis dans le "triangle du mal" qui a compté jusqu'à 12.000 habitants, mais n'en dénombre désormais plus qu'un millier à peine.
Dans ce département de la taille du Guatemala, le baron de la drogue Carlos Lehder construisait alors des pistes clandestines pour expédier la cocaïne aux Etats-Unis. La rumeur selon laquelle il avait besoin de main d'oeuvre pour bâtir son empire s'est vite propagée à travers la Colombie, premier cultivateur mondial de feuille de coca, composante de base de la poudre blanche, dont elle est aussi le principal producteur.
A cette époque, "énormément de coca sortait par voie aérienne" de Vichada, a rappelé le colonel Jean Paul Strong, commandant de la Force conjointe Ares de l'aviation colombienne basée dans la région.
La puissance de Lehder, premier narco colombien extradé aux Etats-Unis en 1987, s'est réduite à néant lorsqu'il a été livré par son propre associé, capo de la cocaïne et chef du cartel de Medellin, Pablo Escobar.
Le contrôle du secteur était alors passé aux mains de la guérilla des Farc, qui a signé en novembre un accord de paix, source d'espoir dans cette zone oubliée du monde.
Après avoir mis la main sur ce territoire, le Front 16 des Forces armées révolutionnaires de Colombie (Farc, marxistes) prélevait un "impôt" sur la production de la pâte base pour se financer, sans participer, selon les autorités, à toute la chaîne de fabrication de la drogue.
Éradiquer la coca en trois ans
"C'en était humiliant: il fallait payer ou payer. Ce n'est pas juste de devoir donner le fruit de son travail", s'insurge encore M. Montiel, qui devait verser à la guérilla quelque 240 dollars pour un kilo de pâte d'une valeur de 760 dollars.
Alors en 2012, il s'est inscrit à un programme gouvernemental de substitution de cultures, auquel participent aujourd'hui 240 familles.
Comme lui qui a planté 8.000 pieds de cacao, d'autres ont suivi lorsque la coca a cessé d'être rentable en raison des coûts des produits nécessaires à sa transformation en pâte, aux difficultés de transport et aux risques légaux.
"Ceux qui gagnent de l'argent ce sont les narcotrafiquants", souligne Jesus Sanchez, 59 ans dont 16 passés à cultiver de la coca.
A Güérima, un kilo de pâte base vaut 690 dollars alors qu'il peut en atteindre 12.000 à Bogota.
Les cultivateurs gagnaient seulement entre 69 et 210 dollars pour chacune des quatre récoltes annuelles.
Avec le cacao, il perçoivent jusqu'à 1.700 dollars deux fois par an, le programme gouvernemental incluant des subventions ainsi que des accords avec les principales entreprises chocolatières du pays qui achètent les fèves au prix du marché.
L'objectif officiel est que Vichada, qui ne compte plus que 683 hectares de coca contre 10.000 en 2002, en soit totalement débarrassé d'ici trois ans.
Mais l'insécurité reste prégnante dans ce département, corridor de la drogue destinée au Brésil via le Venezuela, selon le colonel Strong.
A l'abri des regards de l'armée, l'AFP a pu constater que le "cambalache" - troc de produits contre pâte base - se pratique toujours, un gramme de pâte valant entre 62 et 69 cents. Ainsi un déjeuner coûte cinq grammes, soit environ 3,4 dollars.
Les habitants continuent aussi de dénoncer le prélèvement de "vaccins" ou racket des gangs criminels, comptant pour certains des dissidents des Farc, selon les autorités. Pour chaque tonne de marchandise, ils exigent 69 dollars et 6,9 dollars par tête de bétail, bouteille d'alcool ou bonbonne de gaz.
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