Depuis le début de l'année, les signes s'accumulent. Plus de cent alertes à la bombe recensées dans une trentaine d'Etats américains, visant des centres ou des établissements scolaires juifs.
Le décompte des divers incidents, allant de l'intimidation à l'agression, atteint quelque 200 cas depuis janvier 2017, a recensé une organisation de lutte contre l'antisémitisme.
Les événements se sont même accélérés ces derniers jours, avec la confirmation vendredi d'un troisième cimetière juif profané en deux semaines. Cette fois, une dizaine de pierres tombales ont été vandalisées à Rochester, dans l'Etat de New York, après des faits similaires à Philadelphie (est) et à Saint Louis (centre).
Ces chiffres ne sont pas supérieurs à la moyenne des années précédentes. Mais, expliquent les observateurs, ces faits doivent être analysés à la lumière d'une libération de la parole raciste aux Etats-Unis, dans le sillage d'un discours politique qui donne le ton.
Certaines personnes "estiment que la campagne de Donald Trump a transformé leurs idées en opinion majoritaire", juge Mark Potok, du Southern Poverty Law Center, qui étudie les groupes et les actes racistes. "Cette poussée des incidents antisémites reflète la normalisation de ces idées".
Hostilité générale
En ouverture de son premier discours devant le Congrès mardi, le président américain a pourtant dénoncé solennellement cette série d'actes racistes et antisémites, promettant que l'Amérique resterait "unie" contre la "haine".
Mais "il ne s'agit pas tant des juifs", nuance Kenneth Stern, directeur de la fondation Justus & Karin Rosenberg, qui lutte contre l'antisémitisme. Le problème, relève-t-il, concerne davantage la toile de fond politique baignée dans la "haine" envers les minorités en général, des musulmans aux Mexicains, qui pourrait se "répercuter sur les juifs également".
Aux Etats-Unis, plus grand foyer juif au monde après Israël, "c'est l'environnement de xénophobie et de racisme auquel nous assistons" qui constitue un danger pour les juifs d'Amérique, juge-t-il.
Ces actes, reprend Mark Potok, sont favorisés par internet et les réseaux sociaux, où se déversent les discours les plus radicaux, parfois proches de la "droite radicale" américaine.
Sur les faits eux-mêmes, plusieurs enquêtes ont été lancées. Le gouverneur de New York, Andrew Cuomo, a par exemple annoncé l'ouverture d'une enquête sur la montée des actes et menaces contre les organisations juives dans son Etat.
Une investigation a également été ouverte auparavant par la police fédérale (FBI) et le département des droits civiques du ministère de la Justice, chargé d'enquêter sur les crimes raciaux ou à caractère confessionnel.
Vengeance
Les récents vandalismes dans les cimetières juifs américains, qui ont ravivé un vif débat en Amérique, sont des événements qui "ne doivent pas faire l'objet de sensationnalisme", tempère Paul Goldenberg, de Secure Community Network, un organisme qui collabore avec le gouvernement pour protéger les institutions juives.
"En aucun cas il n'y a une épidémie de haine" envers les juifs aux Etats-Unis, estime M. Goldenberg.
D'ailleurs, l'enquête sur la profanation du cimetière de Waad Hakolel à Rochester doit encore déterminer s'il s'agit d'un cas de vandalisme pur et dur ou d'un acte antisémite.
Dans une autre affaire, un homme de 31 ans suspecté d'avoir lancé de nombreuses fausses alertes à la bombe contre des établissements juifs a été interpellé vendredi à Saint Louis (Missouri). Mais selon les premier éléments de l'enquête, Juan Thompson, un ancien journaliste de The Intercept licencié pour avoir utilisé des sources fictives et inventé des citations, avait pour principal motif de compromettre une ancienne petite amie.
C'est au nom de la jeune femme, qui a rompu avec lui à l'été 2016, qu'il a lancé ces alertes.
"Les personnes derrière cela cherchent à (...) harceler les Américains et dans ce cas les institutions juives", poursuit Paul Goldenberg.
Le procureur new-yorkais Preet Bharara, qui défère Juan Thompson devant un tribunal vendredi, semble du même avis: à ce stade, il n'a retenu contre lui que le chef d'accusation de cyber-harcèlement.
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