Pour beaucoup en blouses blanches, les manifestants étaient réunis dans une ambiance bon enfant place Vauban, non loin du ministère de la Santé dans le VIIe arrondissement, au milieu des fumigènes et au son des sifflets, pétards et même d'une fanfare.
Ils arboraient des pancartes proclamant "Marisol Touraine nuit gravement à votre santé bucco-dentaire", ou des tee-shirts "Marisolde vos dents", à l'appel des syndicats de dentistes (FSDL, CNSD, et Union dentaire), d'étudiants (UNECD) et d'internes en dentaire (SNIO) qui tablaient sur "au moins 10.000" personnes mobilisée et la fermeture de la moitié des cabinets, selon la présidente de la CNSD, Catherine Mojaïsky.
Les dentistes entendent "empêcher la mise en place du règlement arbitral" attendu depuis l'échec, le 26 janvier, des négociations tarifaires entre les trois syndicats professionnels et l'Assurance maladie.
Pendant quatre mois, les négociateurs ont planché sur un avenant à la convention des 37.000 dentistes libéraux censé revaloriser un certain nombre d'actes de base (détartrage, caries), en contrepartie d'un plafonnement des actes liés aux prothèses (couronnes...), plus rémunérateurs pour les professionnels. Un moyen, selon le gouvernement, de diminuer le renoncement aux soins pour raisons financières.
Mais l'"effort sans précédent" proposé par l'Assurance maladie, à hauteur de 806 millions d'euros sur quatre ans, est jugé "insuffisant" par les syndicats, le gain net s'élevant au bout du compte à 341 millions d'euros compte tenu du plafonnement des prothèses.
Lors d'une conférence de presse, le président de la FSDL Patrick Solera a dénoncé "30 ans de mépris de la part de nos gouvernants" et "une "sorte d'hypocrisie", ces derniers ayant laissé "les tarifs des soins dentaires (conservateurs) à des niveaux indigents".
'pas des revendeurs de couronnes'
Présent à la manifestation, Finnian, 25 ans, étudiant bordelais en 6e année, estime que certains cabinets vont se retrouver "écrasés par les plafonnements". "On aimerait que la prévention soit valorisée", mais pour "la fluoration, le surfaçage (détartrage profond) aujourd'hui la base de remboursement de la Sécu, c'est zéro alors que cela évite des soins mutilants et coûteux", explique-t-il.
"Nous sommes des soignants, pas des revendeurs de couronnes", a insisté Baghded Bakhtaoui, étudiant venu de Lyon. "Les plafonnements, on n'est pas contre, à condition que l'on puisse faire de la prévention", a ajouté Julie Chrétien, 23 ans.
Quant à Jean-Pierre, 63 ans, venu d'Avignon, il affirme que dans son cabinet de "village", il "boit la tasse", son activité étant constituée à 80% de petits soins.
Egalement venu manifester, Philippe, prothésiste strasbourgeois de 62 ans, se dit "dans le même bateau que les dentistes", poussés selon lui vers "les prothèses chinoises ou turques", moins chères.
Tous les représentants syndicaux ont dénoncé "une manoeuvre électorale" de la ministre qui a instauré la possibilité de recourir à un règlement arbitral dans le dernier budget de la Sécu en cas d'échec de la négociation.
Le président de chambre honoraire à la Cour des comptes Bertrand Fragonard, désigné comme arbitre, est désormais chargé de lui remettre ses propositions "le 7 mars", mais les syndicats prévoient des recours juridiques.
Ils regrettent également que la ministre ne les ait "jamais reçus", en particulier les étudiants, qui entament leur huitième semaine de grève hospitalière, selon le président de l'UNECD, Jérémy Glomet.
Alors que la présidentielle approche, les syndicats se sont également inquiétés des intentions de François Fillon ou d'Emmanuel Macron qui promettent un "reste à charge zéro" pour les soins dentaires. "Qui va payer les 2,4 milliards d'euros" à la charge des patients, s'est interrogée Mme Mojaïsky.
Entre 3.000 et 5.000 dentistes avaient déjà manifesté à Paris fin janvier, selon des sources policières et syndicales.
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