Aujourd'hui, "la littérature et les arts ne comptent pas beaucoup dans cette lutte contre la barbarie", déclare à l'AFP le romancier.
Il aimerait qu'artistes et écrivains s'engagent davantage "dans le combat contre l'intégrisme" en profitant de la "parole libre" qu'ils peuvent porter.
Bien sûr, reconnaît-il, cet engagement est risqué. Et de rappeler les noms d'écrivains algériens assassinés dans les années 90 à la suite d'une fatwa (édit religieux) du Groupe Islamique Armé (GIA) condamnant à "mourir par l'épée ceux qui nous combattent par la plume".
Lui-même a reçu des menaces mais il a décidé de continuer à habiter en Algérie.
Agé de 67 ans, Boualam Sansal affiche sa liberté de pensée, que ce soit contre le pouvoir algérien ou l'intégrisme religieux, depuis qu'il s'est lancé en littérature en 1999 tout en menant une carrière de haut fonctionnaire.
Il rencontre dès ses débuts le succès avec "Le serment des barbares", un roman racontant la montée en puissance des intégristes qui a contribué à faire plonger l'Algérie dans une décennie de guerre civile ayant fait 200.000 morts.
Son oeuvre, qui comprend aussi "Le village de l'Allemand" ou "Rue Darwin", est célébrée par de nombreux prix littéraires, notamment en France et en Allemagne. Ses livres, édités en France, sont vendus librement en Algérie, mais l'auteur y reste controversé, notamment depuis une visite en Israël en 2014.
Dans son dernier roman, "2084, la fin du monde", publié en 2015, il imagine un pays, l'Abistan, soumis à la cruelle loi divine d'un dieu qu'on prie neuf fois par jour et où les principales activités sont d'interminables pèlerinages et le spectacle de châtiments publics.
Pourquoi cette violence?
Près de 20 ans après ses débuts littéraires, Boualem Sansal, qui revendique son athéisme, se pose toujours les mêmes questions sur les raisons du "phénomène de la violence collective portée à haut niveau". Cela reste pour lui un "mystère inexpliqué et inexplicable".
"Est-ce l'islamisme qui a produit la violence pour détruire la société et prendre le pouvoir ou est-ce la violence de la société qui s'est accrochée à l'islam pour se justifier?", s'interroge-t-il.
"On a tout questionné: l'économie, la politique, les diverses idéologies, la religion, l'Histoire, la psychologie... Mais toujours les réponses produites s'avèrent insuffisantes. Elles ne rendent pas compte de la totalité du phénomène", observe l'écrivain.
Boualem Sansal n'a de cesse de mettre en garde l'Europe, la France en premier lieu qui compte quelque cinq millions de musulmans, contre les dangers de l'islamisme.
"Il ne me revient pas de donner des conseils aux Français et à la France" mais "je leur dis de faire attention car l'islamisme rôde autour d'eux et pousse sous leurs pieds. Ils ont en déjà souffert, ils pourraient en souffrir mille fois plus s'il atteint la masse critique qui enclenchera la réaction en chaîne", prévient-il.
Ses prises de position lui attirent parfois des accusations d'islamophobie. Ce dont il se défend.
"Je n'ai jamais dit quoi que ce soit contre l'islam qui justifierait cette accusation" mais "ce que je n'ai cessé de dénoncer c'est l'instrumentalisation de l'islam à des fins politiques et sociales", explique-t-il.
En 2012, Boualem Sansal avait voulu pousser plus loin son engagement en initiant, avec l'écrivain israélien David Grossman, "l'Appel de Strasbourg pour la paix", avec le soutien du Conseil de l'Europe. Près de 200 écrivains avaient signé ce texte, se déclarant prêts à agir pour faire progresser la paix et la démocratie partout dans le monde. Cette initiative a depuis peu fait parler d'elle.
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