"Je l'ai écrite il y a trois ans, et c'est le hasard des circonstances qui fait qu'elle est jouée maintenant, un hasard assez amusant", reconnaît l'auteure, prix Goncourt en 2009 pour "Trois Femmes puissantes".
La pièce, jouée au Théâtre du Rond-Point jusqu'au 26 mars avant une tournée, met en scène une élue irréprochable, attachée au bonheur de ses concitoyens, attentive à tous leurs problèmes, qui préside depuis 20 ans aux destinées d'une petite ville portuaire.
Elle remporte haut la main les dernières élections: 17.398 voix, contre seulement 2.101 voix pour son opposant. Un complot de "L'Opposant" va avoir raison de "Notre élue" et lui faire perdre les élections.
"A l'époque, j'étais inspirée par les élections municipales", explique Marie Ndiaye. "Je vote dans un village de 300 habitants près de Bordeaux et dans un village, la violence des élections est peut-être encore plus grande puisque le principe c'est qu'il y a une seule liste, et chaque électeur peut rayer les noms qui ne lui plaisent pas. Quand on dépouille c'est extrêmement cruel car les candidats savent que c'est vraiment eux, en tant que personne, qui sont rejetés".
"Notre élue" est une femme intègre, à rebrousse poil des affaires de corruption fréquemment associées à la vie politique. "Ce qui m'intéressait c'était de comprendre en quoi finalement l'extrême probité, la vertu absolue peut nous troubler, nous déplaire presque autant que son contraire. Un personnage profondément honnête peut être dérangeant aussi", explique Marie Ndiaye.
'Quelque chose de franchement dégueulasse'
La pièce s'ouvre sur l'adoration presque malsaine de ses électeurs pour "Notre élue", que même son opposant semble porter aux nues. L'Opposant et son adjoint, Sachs, remâchent leur défaite. Sachs cherche "quelque chose de franchement dégueulasse à lui jeter dans les pattes".
Ce sera l'irruption dans le foyer de l'Elue de deux petits vieux qui proclament être ses parents. Ils sont odieux, méchants, vulgaires et répandent dans toute la ville les récits des misères qu'elle leur aurait fait subir.
L'Elue ne se défend pas, les admet chez elle, alors que ses parents sont morts depuis longtemps. "Ce qu'on pourrait lui reprocher c'est d'être beaucoup trop consciente et fière de son honnêteté, c'est insupportable quand les gens portent leur vertu en étendard" dit l'écrivaine. "Elle refuse de condescendre à s'expliquer".
"Cette histoire est absolument irréelle", souligne Marie Ndiaye, "ce serait inimaginable dans la vraie vie, c'est presque du conte".
Un conte qui frôle le fantastique, avec l'apparition maléfique des deux vieux, formidablement joués par Jean-Paul Muel et Chantal Neuwirth. L'Elue est incarnée, visage lisse et impénétrable, par la comédienne Isabelle Carré. Dans le rôle de l'Opposant, à la fois fragile et capable de "l'infâme", Patrick Chesnais est éblouissant.
La mise en scène de Frédéric Bélier Garcia, avec son écran de télévision et son pot de soirée électorale, joue manifestement sur la coïncidence avec le calendrier politique, mais le texte de Marie Ndiaye, mystérieux, complexe, va bien au-delà de la pièce d'actualité. Elle renvoie à notre crédulité, à l'inconstance d'électeurs capables de se faire retourner comme un gant, à l'irrationnel d'un comportement suicidaire, celui de l'Elue.
Marie Ndiaye porte un regard de "sidération" sur le mélodrame politique en cours avec l'affaire Penelope Fillon. "Je ne trouve pas ça drôle du tout, je trouve ça effrayant", dit-elle. La réalité va parfois plus loin que la fiction.
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