"Le sniper l'a atteint à la tête. Ses enfants et sa femme l'ont aussitôt entouré, ils pleuraient", raconte Maysun, qui a assisté au drame alors qu'elle fuyait le quartier d'al-Maamoun.
"Ils ne voulaient pas le laisser, mais on leur a ordonné de continuer à fuir parce que c'était très dangereux", ajoute la femme de 35 ans, interrogée par l'AFP dans un camp de déplacés près de Mossoul.
Plus de 28.000 personnes ont réussi à quitter la partie occidentale de la deuxième ville d'Irak depuis le 19 février, début de l'offensive des forces gouvernementales pour en chasser totalement le groupe jihadiste Etat islamique (EI), selon des chiffres de l'Organisation internationale des migrations (OIM).
Elles ont fui les combats mais aussi les pénuries de toutes sortes, notamment de nourriture.
Mais, dans leur périple pour trouver refuge à la périphérie de cette ville du nord du pays, ces civils de tous âges ont été les témoins de scènes macabres.
"Il y avait des cadavres dans les rues, des morceaux de corps humains", se rappelle Safana, en patientant pour obtenir un peu de nourriture dans le camp d'Hamam al-Alil.
Cette jeune femme de 23 ans raconte que les jihadistes ont ordonné aux habitants de quitter le quartier d'al-Maamoun alors qu'approchaient les forces irakiennes. "Ils sont venus le matin et nous ont dit que si nous n'étions pas partis d'ici au soir ils nous tueraient".
Un haut commandant des forces du contre-terrorisme (CTS) a reconnu mercredi que les jihadistes avaient opposé une résistance "farouche" dans ce quartier du sud-ouest de Mossoul, finalement repris mercredi. Le général Abdel Ghani al-Assadi a précisé à l'AFP qu'une quinzaine de civils avaient été tués par des jihadistes alors qu'ils fuyaient au cours des dix derniers jours.
Safana, qui refuse comme beaucoup de déplacés de donner son nom de famille, témoigne que de nombreux civils sont restés coincés chez eux durant les violents combats.
"La maison de nos voisins a été atteinte par un obus de mortier et les murs se sont effondrés sur eux", raconte-t-elle. "Nous avons réussi à sortir deux personnes blessées, mais les autres étaient morts", ajoute sa soeur Shaimaa.
"Laissée au cimetière"
Parmi les victimes des combats, figure Rusud Saddam, morte à 10 ans. "Ma fille était dans le couloir lorsque la maison a été touchée par une frappe", se désespère sa mère, inconsolable alors qu'elle marche le long d'une autoroute pour rejoindre le camp de déplacés. "Mon coeur est brisé. Je l'ai laissée au cimetière avant de venir ici".
Dans le camp Hamam al-Alil, 4.000 tentes ont été montées pour accueillir les déplacés, dont plus de 14.000 se sont déjà enregistrés auprès des services d'accueil, indique Nader Samir, son administrateur.
Il reconnaît que le camp, géré par des ONG avec le soutien de l'ONU, n'est pas encore en mesure de proposer tous les services de base. Dont, en premier lieu, les soins médicaux. "Nous n'avons pas de structures et attendons toujours une réponse du gouvernement à nos demandes d'aide", explique M. Samir à l'AFP.
De plus, le camp ne peut offrir d'électricité, faute de fonds pour financer un générateur et d'approvisionnement en carburant.
Mais, au moins les déplacés ont-ils accès à la nourriture, distribuée par l'ONG NRC (Norwegian Refugee Council). Alors que, selon leurs témoignages, ils survivaient avec un seul repas par jour lorsqu'ils étaient à Mossoul.
"Nous n'avions quasiment rien à manger et les combattants de Daech venaient dans notre maison pour prendre ce qu'il nous restait", rapporte Khaled Mohamed. "J'ai peur pour mes proches qui sont toujours là-bas. Je ne sais pas s'ils ont été tués", ajoute ce jeune homme de 24 ans.
Pour Nader Samir, le responsable du camp, les civils qui arrivent ont faim et soif mais sont aussi traumatisés. "Ils ont souffert physiquement et psychologiquement d'avoir vu des actes de torture, des exécutions et la mort de près".
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