Ce plan d'une vingtaine de mesures qui sera lancé mercredi, à deux mois de la fin du quinquennat, est conçu sur trois ans (2017-2019) et s'est fixé quatre objectifs: quantifier et comprendre les violences, sensibiliser et prévenir, former les professionnels et accompagner les victimes.
"Il fallait une mobilisation interministérielle pour donner de la visibilité à un sujet qui en manque terriblement et inscrire dans la durée la lutte contre ces violences", a déclaré mardi à la presse la ministre des Familles, de l'Enfance et des Droits des femmes, Laurence Rossignol, estimant que la France avait "20 ans de retard" sur cette question.
Selon elle, "on est ému par les drames" mais "le vrai sujet, c'est le quotidien de milliers d'enfants qui en sont victimes, qu'on ne décèle pas, ou qu'on tait car on ne sait pas à qui le dire".
La maltraitance des enfants, qui touche tous les milieux, est mal connue en France. En 2006, l'Observatoire national de l'enfance en danger recensait 77.500 cas connus d'enfants de moins de 15 ans en danger. Chaque année, le 119, numéro vert de l'enfance en danger, signale 47.000 cas.
Premier objectif du plan: organiser la collecte de statistiques fiables pour publier, dès 2018, le nombre d'enfants morts à la suite de violences intrafamiliales, un chiffre largement sous-estimé, notamment chez les nourrissons, selon la pédiatre Anne Tursz.
Mort 'inexpliquée' du nourrisson
Une étude menée sur la période 1996-2000 par cette directrice de recherche à l'Inserm estimait à 255 les homicides d'enfants de moins d'un an chaque année, contre 17 selon les statistiques officielles.
"Il y a un nombre de cas non négligeables de crimes qui passent inaperçus, mis au compte de la mort inexpliquée" du nourrisson, a alerté Mme Rossignol, appelant les médecins à "être suspicieux" et à une plus large systématisation des examens post-mortem.
La prévention du syndrome du "bébé secoué" est primordiale. Ainsi, le carnet de santé et le guide "jeunes parents", envoyé par les CAF au 5e mois de grossesse, seront notamment actualisés avec des conseils.
En matière de formation, "300.000 personnes ont été formées dans le cadre de la lutte contre les violences faites aux femmes et il faut faire de même pour aider au repérage des enfants", a développé la ministre, visant magistrats, membres de l'Éducation nationale, éducateurs, personnels de crèches, assistantes maternelles et médecins.
Ces derniers, qui ne font que 5% des signalements alors qu'ils sont en contact régulier avec les enfants, selon la ministre, pourront désormais s'appuyer sur un "référent maltraitance" qui devra être désigné dans chaque hôpital avant le 31 décembre, une mesure attendue de longue date par les professionnels, parfois frileux à l'idée de dénoncer à tort.
Dès mercredi, une campagne nationale avec des affiches et des vidéos ayant pour slogan "Enfants en danger: Dans le doute, agissez!" sera lancée pour faire connaître le 119.
"Tout le monde doit se sentir concerné, on ne veut plus entendre les voisins dire: +On se doutait un peu mais on pense que cela ne nous regardait pas+", a expliqué Mme Rossignol.
Pour renforcer le repérage des victimes, une convention va lier le 119 au 3919, numéro pour les violences faites aux femmes, de façon à pouvoir basculer directement les appelants de l'un à l'autre.
"Tous les enfants exposés aux violences conjugales, les voient, les entendent et vivent dans la terreur. Cette convention va améliorer leur prise en compte", a salué la Fédération Nationale Solidarité Femmes, qui gère le 3919.
Affirmant enfin que "les coups n'ont aucune valeur éducative", ce plan prône "une société et une éducation sans violences comme préalable nécessaire à la protection des enfants" et veut empêcher l'exposition à la pornographie des mineurs, qui y sont en moyenne exposés pour la première fois à l'âge de 11 ans.
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