Alors que s'est ouverte vendredi la période des parrainages, jusqu'au 17 mars, six candidats peinant à récolter les 500 signatures ont protesté contre "le verrou anti-démocratique des grands partis".
Ces modestes prétendants à la plus haute magistrature déplorent la transparence désormais imposée sur les parrainages, considérant qu'elle rend leur candidature "toujours plus difficile", car de nombreux élus rechignent à se dévoiler, de peur de retombées négatives.
Y'aurait-il ainsi des pressions financières sur les élus ruraux pour contrer des "petits candidats"? "Faux", affirme Vanik Berberian, président de l'Association des maires ruraux de France et maire de Gargilesse-Dampierre (Indre). "Ca fait partie des mythes ou de l'autocensure que le maire utilise pour ne pas parrainer".
Mais, concède-t-il, "en 28 ans de mandat, je n'ai jamais vu des réticences de cette ampleur" ni autant de "désapprobation de la vie politique" venant des élus ruraux. "Aux précédentes élections, on pouvait dire que les maires ruraux étaient plutôt fiers de participer à cette construction démocratique. Maintenant, c'est l'inverse: ils se recroquevillent et prennent de la distance par rapport à ce jeu", regrette-t-il.
"Il y a un ras-le-bol général de la politique. Dans le milieu rural particulièrement, parce que l'Etat y néglige presque 30% de la population", estime le maire de Les Voivres (Vosges) Michel Fournier, tristement persuadé que, dans son village, "le vote FN va encore progresser".
La pression sur les élus locaux reste néanmoins des plus fortes parce qu'ils constituent un vivier pour les candidats. D'après M. Fournier, à la tête d'un village de 300 habitants, il existe "une pression morale de la part des +petits+ candidats, mais aussi des +gros+ candidats pour que les premiers n'existent pas" dans la campagne présidentielle.
"Plus confiance"
Résultat: la défiance gagne du terrain et pénalise davantage les "petits" candidats, qui jouent pourtant la carte du renouvellement. Les feuilletons judiciaires concernant certains prétendants à l'Elysée et le "flou artistique" des nouvelles règles encadrant les parrainages ne semblent rien arranger.
"Vu la médiocrité des candidats, ça me pose un vrai problème. Pas un qui propose un programme sérieux pour le pays", fustige Gérard Seigle-Vatte, maire sans étiquette de Paladru (Isère) qui risque de ne pas envoyer son formulaire de parrainage au Conseil constitutionnel.
"Et puis, il y a les affaires. Marine Le Pen se croit au-dessus des lois, François Fillon continue de faire campagne malgré les casseroles. On n'a plus confiance, les électeurs non plus. Mes adjoints sont d'accord avec moi, c'est le grand bazar", ajoute-t-il.
"La pseudo transparence sur les parrainages est problématique dans le monde rural, car ils sont interprétés comme un soutien politique. Dans un petit village, on vous étiquette directement à partir de ce choix", explique Eric Krezzel, maire de Ceffonds (Haute-Marne), percevant le nouveau système comme un "frein".
"Quand je vais voter, je vais à l'isoloir parce que je ne veux pas que mon vote soit public", abonde Daniel Froger, maire de Villeroy (Seine-et-Marne), qui a décidé de ne parrainer aucun candidat, jugeant "anormal" de publier les listes.
Certains élus de petites communes ont néanmoins choisi de le faire, parfois en se pinçant un peu le nez. C'est le cas de Joel Mignano, maire de Castin (Gers), qui explique avoir offert sa signature en se tenant à sa "ligne de conduite", pas "de coeur". "On est tous réticents, on ne sait pas où on va avec cette élection".
Hubert Lefevre, maire de Rauville-la-Bigot (Manche), "en réflexion" et "sur la réserve", trouve néanmoins que "dans le flou artistique dans lequel on est, il faut se donner les moyens de donner le choix aux électeurs".
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