"Ca me passionne, j'aime le rapport avec les animaux", explique Clément Noilhan, 28 ans, qui a finalement repris l'exploitation familiale et produit depuis le 1er août 2013 du veau sous la mère sur le plateau de Lannemezan, après avoir tâté des études d'ingénieur agronome à Toulouse.
"C'était très, très généraliste. Je me suis rendu compte que ce qui m'intéressait, c'était vraiment le métier, travailler la terre et l'élevage et je me suis réorienté sur un BTS et voilà!" explique-t-il d'un ton encore enjoué.
Grâce à une production frappée du prestigieux sceau du label rouge, il parvient à "dégager un revenu décent, à sortir un Smic, donc c'est correct, mais ça reste peu par rapport au temps qu'on investit".
"On n'a jamais le temps, on fait bien nos 80 heures par semaine", renchérit Jean-Guillaume Hannequin, 38 ans, qui a "bourlingué pendant sept ans", travaillant pour l'industrie pétrolière.
"C'est trop dur en France d'être agriculteur", explique-t-il aujourd'hui dans un constat amer.
"On a les associations d'environnement sur le dos tout le temps, on nous fait passer pour des pollueurs en permanence, et, maintenant les banques qui ne suivent plus", explique-t-il, avant de pointer du doigt un mal typiquement français selon lui, "la paperasse".
Mais, pourquoi avoir suivi la voie qu'avaient prise ses parents? "La terre me manquait. Ma terre!" dit-il à propos de son exploitation de la Meuse, où il cultive blé, orge et colza et où paît un petit troupeau de vaches allaitantes.
Pour lui, être agriculteur, "c'est comme être curé: si vous êtes +piqué+ par l'agriculture, c'est dur de vivre sans".
"Quand j'étais chef de rayon, mon métier c'était de provoquer du désir d'achat chez les clients", explique Valentin Bodié, 32 ans, ancien salarié d'une célèbre enseigne de magasins d'articles de sport et qui a repris l'exploitation d'un cousin de son père dans l'Aube, près de Troyes.
'Un métier qui a du sens'
"Là, on nourrit les gens, on entretient les paysages, on progresse beaucoup sur les questions d'environnement, c'est un métier qui a du sens", explique-t-il fièrement, pour décrire sa "passion".
Il en faut pour affronter la volatilité des prix du marché et la baisse des cours, même si de nombreux agriculteurs d'aujourd'hui tentent de se diversifier pour "diluer" les risques.
"L'impact du prix est beaucoup plus important que l'impact des volumes" de production, explique ainsi Jean-Guillaume Hannequin. S'ajoutent les aléas climatiques qui renforcent l'incertitude planant sur la tête du céréalier.
Si ces paysans s'en sortent pour l'instant, en dépit des années de crise, des motifs d'inquiétude transparaissent.
Caroline Delepierre-Piat pointe ainsi la mainmise des industriels et de la grande distribution sur l'agriculture. Cette éleveuse nordiste de 34 ans, installée dans une ferme laitière à Roncq depuis 2008, a d'abord été aide-soignante avant de revenir à son "métier-passion".
"Des fois on a l'impression qu'on est là que pour produire et puis c'est tout", déplore-t-elle, souhaitant, avec ses collègues "reconstruire nos filières, reprendre la main": "Il faut qu'on vive de notre travail!"
Plus que pour la pérennité de son exploitation, Clément Noilhan s'inquiète lui pour le visage de la campagne française.
"Ce qui me fait peur, c'est ça, c'est des exploitations qui vont grandir avec des superstructures et on aura plus ce maillage là, on va perdre tout ce qui est territoire de bocage avec un tissu économique assez dense, assez fort", lâche-t-il de son piémont pyrénéen.
"Si on perd ça, on va perdre l'attrait de nos paysages par rapport au tourisme, et on perd tout et c'est le début de la fin."
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