La légende locale raconte que la chute d'une météorite à creusé la terre à cet endroit connu sous le nom de Khasfa (gouffre en arabe).
Le lieu abrite aujourd'hui l'un des plus grands charniers d'Irak après avoir été transformé en site d'exécution par l'EI, disent les habitants de la région.
En 2014, le groupe ultraradical s'était emparé de vastes territoires dans le nord et l'ouest de l'Irak, avant d'en perdre une partie dont la région de Khasfa, à la faveur d'offensives des forces irakiennes.
Les jihadistes "emmenaient les victimes les yeux bandés et les mains liées dans le dos. Ils les plaçaient, à genoux, face au gouffre, leur tiraient une balle dans la tête et les poussaient dans le trou", raconte Mohamed Yassine, un homme de 56 ans résidant dans la localité voisine de Hammam al-Alil.
Ce soldat à la retraite, qui passait régulièrement par la région, affirme avoir vu à au moins six reprises des gens exécutés là par les jihadistes. La plupart étaient des policiers, des soldats ou des fonctionnaires accusés de liens avec le pouvoir irakien.
"Les gens ont commencé à avoir peur de cet endroit, c'est devenu un lieu de mort, un site d'exécution".
Maquiller au bulldozer
Hussein Khalaf Hilal, à qui l'EI reprochait de soigner des gens avec des pratiques ancestrales, est l'un des rescapés de Khasfa, situé à une dizaine de km de Mossoul.
"Ils sont venus chez moi, ils m'ont bandé les yeux et attaché les mains derrière le dos, puis ils m'ont emmené dans une voiture", raconte cet homme de 73 ans à l'AFP. "Ils m'ont conduit là-bas pour me faire peur parce qu'ils voulaient que je leur prête allégeance".
Les jihadistes ont alors aligné les hommes dix par dix ou quinze par quinze puis les ont forcés à se jeter dans le gouffre après avoir dû avaler des "pilules", ajoute-t-il.
Hussein Khalaf Hilal leur a demandé un peu de temps pour montrer sa loyauté. Il a été jeté en prison.
Les témoignages des habitants sont similaires à ceux que Belkis Wille, une enquêtrice de l'ONG de défense des droits de l'Homme Human Rights Watch (HRW), a collecté durant des mois.
"J'ai commencé à entendre parler de ce lieu il y a à peu près un an, quand j'ai parlé à des gens fuyant les zones encore sous contrôle de l'EI", dit-elle.
HRW a pu voir des images satellites suggérant que le gouffre s'était rempli. Et des habitants ont indiqué à l'AFP que l'EI avait jeté à l'intérieur des pièces détachées rouillées de voiture ainsi que des conteneurs avant de les recouvrir de terre à l'aide de bulldozers dans une tentative de maquiller les crimes.
Aujourd'hui, un mois environ après le départ des jihadistes face à l'avancée des forces irakiennes, le gouffre est quasiment rempli jusqu'à la surface, ont constaté des journalistes de l'AFP. Un trou plus profond se distingue en son centre.
La région, où patrouillent les milices paramilitaires progouvernementales du Hachd al-Chaabi, est truffée d'engins explosifs laissés intentionnellement par l'EI.
'Cimetière des martyrs'
"C'est un lieu où vous ressentez de la tristesse", confie un milicien du Hachd, Abou Ahmed Hassani. "Vous pensez à tous les Irakiens de toutes confessions qui y ont été exécutés. Ils (les jihadistes)ont tué des enfants, des personnes âgées, des hommes, des femmes".
Et le gouffre a encore pris des vies même après le départ de l'EI.
Samedi, une journaliste kurde irakienne qui couvrait la bataille de Mossoul ainsi que trois miliciens du Hachd ont été tués par l'explosion d'un engin piégé tout près.
HRW souhaite que le gouvernement irakien qui dispose d'une équipe d'enquête spéciale pour les charniers, sécurise le site et commence les excavations.
Aucune estimation n'existe pour l'instant sur le nombre de cadavres qui pourraient s'y trouver. "Les gens que nous avons interviewés parlent en général de 4.000", un chiffre pour l'instant impossible à vérifier, selon Mme Wille.
Hassani, le milicien du Hachd, estime impossible de déterrer tous les corps. "Couvrons le complètement et transformons-le en cimetière pour tous les martyrs irakiens".
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