Agée de 8 ans, la vache noire et blanche au lourd pis rosacé, une Prim Holstein, est une "très bonne laitière" et une "très bonne souche", elle donne de "très bons embryons", explique Nicolas Jouet, son soigneur.
Ce matin, "elle a la panse qui tourne un peu au ralenti". Il faut faire quelque chose.
Le vétérinaire de garde lui administre une piqure d'acide aminé. "Elle va se remettre à manger" rassure-t-il. Nicolas, qui vient tout juste de s'installer à son compte, comme préparateur d'animaux de concours, est soulagé.
En blouse verte et bottes de caoutchouc, le vétérinaire du salon de l'agriculture, Bertrand Guin, a l'habitude d'une certaine fébrilité autour des vaches présentées chaque année au salon de l'Agriculture, à Paris.
Elles arrivent en bétaillère grand confort, souvent bardées de médailles - meilleure reproductrice, meilleure laitière- pour tenter de décrocher l'ultime palme, celle du Concours général agricole, démonstration d'excellence de la génétique et de l'élevage français, et enjeu financier.
Vaches stressées et éleveurs nerveux
Après le long voyage entre leur prairie et Paris, certaines laitières accusent le coup lors de leur arrivée. Leur lait n'est parfois pas consommable le premier jour, car il contient trop de globules blancs, l'effet de la fatigue. Ou de la foule et du stress.
Au bout de deux ou trois jours, les choses rentrent dans l'ordre. Les vaches sont surveillées et bichonnées comme les Formule Un d'une écurie de course.
"Il m'est arrivé d'être dérangé à deux heures du matin pour un petit panari de rien du tout sur le pied d'une vache", "ce que je ne soigne plus depuis 20 ans, car les éleveurs sont capables d'y remédier eux-mêmes" dit M. Guin. "Mais, l'éleveur avait le Concours le matin, il était nerveux".
Auprès des 4.000 animaux d'élevage réunis jusqu'à dimanche, trois vétérinaires assurent des gardes, deux pour les bovins et ovins et autres gros animaux, un pour les chevaux.
La nuit, pour les urgences, des élèves d'écoles vétérinaires volontaires dorment sur des lits de camp dans le pavillon 1, celui où sont alignés les fleurons de la génétique bovine française, réputée dans le monde entier.
"Au salon, on fait le plus souvent de la bobologie" dit Bertrand Guin, installé près Charolles en Bourgogne, la patrie de la costaude Charolaise, race à viande réputée.
"Contrat" entre l'homme et l'animal
Mais le vétérinaire doit aussi faire dans la psychologie, rassurer sans cesse.
Car autour de ces bêtes d'exception gravitent des hommes inquiets: Les éleveurs. "En ce moment, certains sont à bout", estime M. Guin qui participe au salon pour la quinzième fois.
Au fil des années, l'homme a vu grandir l'inquiétude. L'OMS a qualifié la viande rouge de cancérogène. La réunion de l'ONU sur le climat (COP21) a jugé l'élevage bovin responsable d'une grosse partie du réchauffement climatique.
Puis, les défenseurs de la cause animale ont dénoncé les mauvais traitements des animaux dans les abattoirs. Le tout sur fonds de crise économique dans la filière lait et viande.
"Les éleveurs se sentent dénoncés dans la dignité de leur travail quand on les accuse d'être esclavagistes, voleurs ou assassins" analyse le vétérinaire. Or, "ils aiment leurs animaux, ils ne les voient pas comme des billets de banque sur pattes", estime-t-il.
"Depuis que les chasseurs-cueilleurs ont domestiqué l'animal et sont devenus des éleveurs et agriculteurs", il existe un contrat qui lie l'homme à l'animal, affirme le vétérinaire.
"J'appelle cela le +contrat domestique+: je te nourris, je te loge, je t'abreuve, je te protège, je favorise ta reproduction, et en contre-partie j'utilise tes produits et je choisis l'heure de ta mort". "C'est cela la noblesse de ce métier".
Selon lui, l'élevage a même permis à ces animaux de se perpétuer: "Pour survivre, les bovins ont besoin de l'homme, car ils ne savent pas se défendre".
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