New York Times, Los Angeles Times, CNN, Politico: plusieurs institutions du journalisme ont été interdites vendredi au briefing quotidien du porte-parole de la Maison Blanche tandis que d'autres, plus proches du pouvoir, tels que Breitbart ou One America News, ont reçu le feu vert pour y assister.
Fait rare, ce briefing, qui permet de poser des questions sur l'actualité du jour, n'était pas organisé dans la salle de presse face aux caméras comme c'est le cas habituellement, mais dans le bureau de Sean Spicer, porte-parole de Donald Trump.
Le New York Times a dénoncé "une insulte aux idéaux démocratiques", CNN a fustigé un développement "inacceptable".
"Trump a laissé entrevoir une vision autoritaire inquiétante de la présidence (...); punir des organisations qui publient des articles critiques sur le président tombe exactement dans cette catégorie", a de son côté écrit le Los Angeles Times, jugeant que cet épisode avait fait monter d'un cran "la guerre de la Maison Blanche contre la presse libre".
'Rôle des médias indépendants'
L'Association des correspondants de la Maison Blanche (WHCA) a elle protesté "avec force" contre cette initiative.
Cette décision a pris un relief particulier car elle intervenait quelques heures après une nouvelle charge du président républicain contre les médias, qualifiés pour la énième fois de "malhonnêtes" et mis, pour certains d'entre eux, dans la case des "ennemis du peuple".
Samedi après-midi, le président républicain a semble-t-il voulu enfoncer le clou de manière symbolique en annonçant, dans un tweet, qu'il ne participerait pas au dîner des correspondants de la Maison Blanche, rompant avec une tradition très ancienne.
Ce dîner de gala, prévu le 29 avril, se déroule chaque année dans un hôtel de Washington et réunit le gratin de la presse et du monde politique.
Il offre l'occasion au président -quel que soit son affiliation politique- de prononcer un discours teinté d'autodérision, mais aussi de s'exposer aux flèches moqueuses d'un humoriste.
C'est lors de ce dîner, auquel il participait en tant qu'invité en 2011, que Donald Trump avait été la cible des blagues de Barack Obama.
La WHCA, organisatrice de l'événement, a souligné peu après que le dîner aurait lieu comme prévu et continuerait à être une célébration "du rôle important joué par les médias indépendants" dans une démocratie.
Il y a quelques jours, Stephen Bannon, proche conseiller de M. Trump et ancien patron du très droitier site Breitbart News, avait prédit, en s'en réjouissant, que les relations avec les médias allaient se détériorer "de jour en jour".
Il arrive certes que l'exécutif américain, que ce soit sous des présidences démocrate ou républicaine, organise des rencontres avec un groupe limité -et sélectionné- de journalistes sur des thématiques particulières.
Mais le briefing de vendredi avait initialement été annoncé comme un point de presse ouvert à tous les médias accrédités, avant de se transformer en un groupe plus resserré, dont les participants ont été visiblement choisis avec une attention particulière.
'Mal avisé et contre-productif'
Lors de la rencontre dans son bureau, dont l'enregistrement a été diffusé par la suite par les journalistes qui y ont assisté, Sean Spicer a assuré que la nouvelle administration s'était de manière générale montrée très "accessible". Mais il ne s'est pas exprimé spécifiquement sur les raisons du "tri" opéré vendredi.
Un enregistrement réalisé en décembre par Politico, à l'époque où Donald Trump avait déjà été élu mais n'avait pas encore pris ses fonctions, a rapidement refait surface.
Dans cette discussion, Sean Spicer affirmait clairement qu'il était opposé à l'idée d'interdire l'accès à certains médias. "Qu'ils soient conservateurs, progressistes ou autres, je pense que c'est ce qui fait d'une démocratie une démocratie par rapport à une dictature", arguait-il.
Ari Fleischer, ancien porte-parole de George W. Bush, a jugé qu'interdire l'accès à certaines organisations à un briefing était "mal avisé et contre-productif".
Mais il a aussi appelé à mettre l'incident en perspective: "Calmez-vous", a-t-il lancé.
"Les porte-parole doivent rencontrer toute la presse. Mais au-delà, il n'y a rien d'inhabituel à ce que les présidents rencontrent des journalistes qu'ils ont choisis et les équipes de la Maison Blanche le font aussi tout le temps".
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