"Dans cette pierre je voyage sans bouger, comme un astronaute, un peu comme sur un radeau. Je ne me sens pas du tout oppressé, je suis très à l'aise, et en bonne connexion avec cette pierre", a raconté l'artiste vendredi soir à l'AFP. Le performeur parle à travers la jointure de sa gangue de pierre, d'où lui parvient l'écho assourdi des visiteurs du Palais de Tokyo où est posé ce roc de 12 tonnes.
Entré mercredi après-midi pour un semaine dans cet oeuf de pierre, dont les deux moitiés ont été scellées, Abraham Poincheval y est emprisonné en position assise, avec juste assez de place pour quelques mouvements très limités.
Dans sa niche, un peu de nourriture et des boissons à portée de main, des livres, de quoi tenir un journal, un système de stockage des déchets et un dispositif d'ouverture d'urgence en cas de problème.
"Nous sommes déjà enfermés dans nos propres corps", avait résumé l'artiste juste avant d'entamer sa nouvelle aventure qui se terminera mercredi.
"La chose la plus difficile est d'organiser son sommeil. Je ne sais jamais trop si je dors ou non, c'est très étrange. J'ai une certaine conscience du temps par rapport à l'ouverture du musée, car j'entends des sons différents, mais aucune notion du jour et de la nuit", décrit l'artiste.
'Partir dans tous les sens'
"Les repas je les prends quand j'ai envie, je me fais confiance. C'est très succinct : des potages, des barres de céréales... pour l'instant tout se passe bien".
Le jour, des visiteurs fascinés parlent à son rocher, lui lisent des poèmes, lui racontent même leurs cauchemars, dit-il, ravi que "les gens aient la pierre en eux, la gardent dans leur cerveau".
Mais la nuit, quand le musée désert redevient silencieux, c'est là que commence véritablement le voyage d'Abraham Poincheval.
"A ce moment-là, j'ai l'impression de partir dans tout les sens. J'essaie de l'exprimer par le langage, mais c'est compliqué car ce sont des flux qui circulent, on passe d'une sensation à une autre, c'est très complexe à mettre noir sur blanc", poursuit-il.
Trouver les bons mots lui tient à coeur, car il veut prolonger cette expérience par un projet d'édition.
Après cette aventure immobile, cet habitué des happenings s'est lancé un nouveau défi: à partir du 29 mars il va couver une douzaine d'oeufs de poule jusqu'à leur éclosion. En tout 26 jours immobiles à tenir sous une cape rigide, le tout filmé 24 heures sur 24.
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