Les festivités, qui attireront plus d'un million de touristes, arrivent à point nommé, six mois après les jeux Olympiques qui s'apparentent à un lointain souvenir, tant les cariocas (nom donné aux habitants de Rio) ont été touchés par le marasme des crises à répétition.
Le coup d'envoi officiel sera donné vendredi, avec la remise symbolique des clés de la ville au Roi Momo, monarque obèse et jovial symbolisant la folie d'une des plus grandes fêtes populaires de la planète.
Premier couac: le nouveau maire, Marcello Crivella, est absent. Élu en octobre, ce pasteur évangélique goûtant peu l'exubérance charnelle du carnaval sera remplacé lors de cette cérémonie haute en couleur par son premier adjoint.
La remise des clés aura lieu au Sambodrome, grand stade en forme d'avenue entourée de gradins, où 70.000 personnes se presseront quatre jours durant pour assister aux défilés des écoles de samba.
Roi Soleil et corruption
Auto-intitulé "le plus grand spectacle de la Terre", ce show multicolore est avant tout une compétition: chaque détail est jugé sur des critères très stricts par un jury intraitable.
Comme au football, il y a plusieurs divisions: ceux qui aspirent à intégrer l'élite ouvrent le bal vendredi et samedi, mais la crème de la crème, le "grupo especial (groupe spécial), défile dimanche et lundi.
Une fois n'est pas coutume, une Française sera en première ligne: Maryam Kaba sera la figure de proue de Vila Isabel. Seule femme d'un groupe de 15 danseurs, elle ouvrira le défilé de son école avec une chorégraphie inspirée des rythmes africains.
La France sera aussi représentée dans le défilé de l'école Sao Clemente, qui a choisi pour thème la vie de Nicolas Fouquet, ancien surintendant des finances de Louis XIV accusé de détournement du trésor public - une référence subtile au mégascandale de corruption Petrobras qui secoue le Brésil depuis bientôt trois ans, avec des dizaines d'hommes politiques de tous bords et de dirigeants d'entreprises sous les verrous.
L'évocation du Roi Soleil implique évidemment des chars plein de dorures, représentant le château de Versailles (France) et les jardins de Le Nôtre.
Mais la crise économique a obligé certaines écoles à se serrer la ceinture.
"Le maître mot, c'est l'austérité", martèle Luiz Carlos Magalhaes, président de Portela, formation la plus titrée de l'histoire. Beaucoup misent sur la débrouille, en recyclant des matériaux utilisés les années précédentes.
'L'argent a disparu'
La crise atteint aussi de plein fouet le carnaval de rue. Selon Riotur, l'agence de tourisme municipale qui coordonne la fête populaire, 451 "blocos" (cortèges musicaux qui peuvent attirer des milliers de fêtards) vont défiler, contre 505 l'an dernier.
"C'est notre année la plus compliquée, on a l'impression que l'argent a disparu", confie Rita Fernandes, présidente de la Sebastiana, association regroupant 11 "blocos" qui a décidé de s'associer à d'autres pour partager les frais et démarcher les sponsors avec un projet commun.
Hors de Rio (sud-est), pas moins de 37 villes ont annulé les festivités pour des raisons financières ou de sécurité, selon des chiffres recensés par le quotidien Folha de Sao Paulo.
Dans l'État voisin d'Espirito Santo, une dizaine de localités sont privées de carnaval à cause d'une grève des policiers qui a semé le chaos depuis le début du mois, avec plus de 140 morts violentes en une semaine.
Un mouvement similaire, bien que moins suivi, a eu lieu à Rio. Plus de 9.000 militaires ont tout de même été mobilisés pour renforcer la sécurité, mais ils ont été rappelés jeudi, à la veille du carnaval, les autorités assurant que la situation était "totalement sous contrôle".
"Le carnaval est bien plus qu'une fête. Il nous aide à sublimer pendant quelques jours les problèmes de la vie. C'est d'autant plus important en temps de crise, ça permet de réunir dans la rue un pays déchiré par des inégalités de toutes sortes", résume l'humoriste Gregorio Duvivier, membre enthousiaste de plusieurs "Blocos'.
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