Avec son frère Joël, avec qui il gère l'exploitation restée familiale depuis trois générations, ils attendent, sans trop savoir, le coup de fil qui leur donnera la date d'abattage de leurs 2.400 derniers palmipèdes sur les 8.000 qu'ils élèvent chaque année, en plein coeur de la Chalosse.
"C'est dur de les imaginer partir pour la deuxième année consécutive. Nous, contrairement aux industriels, on les aime nos canards... On espère qu'on pourra vraiment reprendre fin mai", dit sobrement l'éleveur de cette production fermière en autarcie, du caneton d'un jour jusqu'aux conserves et produit frais en vente directe.
Entre les prêts, les indemnisations qui tardent, la perte de clients et l'investissement en biosécurité de 60.000 euros, "c'est de plus en plus difficile de rebondir mais on ne lâchera pas l'affaire", assure cet agriculteur, âgé de 44 ans. D'ailleurs son fils de 11 ans, Lucas, qu'il a emmené mardi au rassemblement du Mouvement de défense des exploitations familiales (Modef) à Mont-de-Marsan pour la venue du ministre de l'Agriculture, Stéphane Le Foll, rêve de prendre sa suite pour développer "la culture de notre terre".
En défenseur acharné d'un produit d'excellence gavé au maïs grain entier, et pas à la bouillie comme chez "les gros" du secteur, Benoît Cabannes s'en prend au Cifog (interprofession) qui "enfonce les petits au profit des industriels". Il milite pour "limiter les densités de canards, dire stop aux transports longs entre départements et travailler sur les espèces rustiques oubliées, plus résistantes".
Pour faire face à ces virus, la vaccination pourrait être un "bon moyen ponctuel". Alors quand Stéphane Le Foll dont il salue "l'écoute sur les productions traditionnelles", explique qu'il n'y a pas de solution vaccinale aujourd'hui, lui pense que "c'est plus une question d'exportation de bêtes vaccinées impossible dans certains pays", y voyant "un problème juste économique". Il déplore ainsi un "manque de volonté politique" pour faire bouger les choses "dans le bon sens", celui du goût et de la qualité.
'Cette mesure sera-t-elle la bonne?'
A 70 km de l'exploitation de Benoît Cabannes, à Bourriot-Bergonce, dans le nord des Landes, un autre éleveur estime, lui, qu'"on arrive un peu au bout du système et le dépeuplement est (...) la seule méthode pour arriver à vaincre ce virus qui nous attaque aujourd'hui".
Les Landes, premier département producteur de foie gras, reste la zone la plus touchée par l'abattage préventif des canards et des oies qui a été étendu mercredi à 73 communes supplémentaires, soit en tout 556 communes dans le Sud-Ouest. Stéphane Le Foll avait annoncé le 21 février que 360.000 palmipèdes y seraient abattus "dans les 15 jours à venir".
"C'est un épisode qui est tout à fait inédit, qui est très dur à supporter sur le terrain", constate Bernard Duval qui n'est pas concerné par cette mesure, le foyer de grippe aviaire le plus proche étant à plus de 10 km.
Dans cette zone épargnée, les éleveurs n'en demeurent pas moins inquiets: "Nous vivons dans cette crainte de voir apparaître sur notre élevage le virus. C'est quelque chose qui est extrêmement pesant, très dur à vivre au quotidien. La crainte de retrouver le matin nos animaux rattrapés par le virus, donc aujourd'hui, voilà, cette crainte ne s'apaise pas pour autant", lance cet éleveur.
"Pour autant est-ce que cette mesure sera la bonne? Parce que l'on a toujours cette épée de Damoclès quelque part au-dessus de la tête. Il ne faudrait que de-ci de-là resurgisse le virus si jamais le dépeuplement n'a pas été effectué sur la totalité de notre territoire", déplore Bernard Duval, tout en regardant ses canards qu'il "adore".
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