"Acabo de renunciar"... Impossible de compter les supporters marseillais, même non hispanophones, capables de citer ces mots signifiant "je viens de démissionner". Ils ont été prononcés le 8 août 2015 par un entraîneur qui les a fait rêver l'espace d'une saison: Marcelo Bielsa.
Tout Bielsa résumé dans ces mots: l'intransigeance - il estimait avoir été trompé sur les conditions de sa rémunération -, l'extravagance - sa démission est intervenue à l'issue du premier match de la saison -, et la passion que lui ont vouée, chez les Newell Old Boy's (1990-92), à l'Athletic Bilbao (2011-13), à l'Olympique de Marseille (2014-15), la plupart des supporters.
L'Argentin de 61 ans, regard impénétrable, silhouette empesée et désintérêt ostensible quant à sa façon de s'habiller, a une recette simple pour faire chavirer le coeur des supporters: son football est romantique, spectaculaire, ultra offensif et sans la moindre concession. En un mot, passionnel.
Sa méthode de travail, très exigeante physiquement, permet de tirer le meilleur de ses joueurs qui n'hésitent pas à se ruer à l'attaque pour marquer, encore et toujours plus de buts.
'Vision du foot'
Avec lui, l'OM est sacré champion d'automne en Ligue 1, André-Pierre Gignac concurrence Zlatan Ibrahimovic au classement des buteurs, et Dimitri Payet étincelle dans un rôle de génial meneur de jeu. Le Vélodrome est rempli jusqu'à la gueule, bouillant comme à la grande époque olympienne.
Autre talent: il fait éclore de jeunes joueurs que le club peut ensuite revendre à bon prix (Michy, Mendy, Imbula, Thauvin...)
Son personnage, aussi, fascine. Surnommé "El Loco" (le fou), assis sur son éternelle glacière, capable de colères homériques, il dézingue lors d'une conférence de presse son président de l'époque, Vincent Labrune, accusé de lui avoir fait des promesses de recrutement non tenues.
"On s'est identifié à Bielsa pour sa vision du foot, sa philosophie de jeu fidèle à notre devise 'Droit au but', sa mentalité, sa franchise, son respect des supporters et de l'institution OM, son admiration pour le Vélodrome, la ville de Marseille et sa région", avait synthétisé, dans un entretien au quotidien La Marseillaise en novembre, Matthieu Franceschi, ex responsable des South Winners, un des groupes de supporters de l'OM.
Mais son intransigeance a une conséquence fâcheuse: ses joueurs sont lessivés par ses exigences de travail - Marseille s'est effondré sur la phase retour du championnat, terminé à la 4e place en 2015 -, et il demande à chacun le même investissement que celui, total, qu'il place dans ses projets.
Source d'inspiration
Il n'est pas enclin aux compromis, d'où des expériences systématiquement très courtes avec en point d'orgue son passage à la Lazio Rome stoppé à l'été 2016 au bout de... deux jours, faute de garanties sur le recrutement.
Seule exception: ses mandats comme sélectionneur de l'Argentine (1998-2004) et du Chili (2007-2011).
Avec là aussi, les deux facettes de Bielsa. D'un côté, le football séduisant, les joueurs transcendés et les supporters enthousiastes. De l'autre, les résultats pas toujours au rendez-vous, à commencer par une retentissante élimination dès la phase de groupes de la Coupe du monde 2002 pour "son" Argentine, pourtant emmenée par Veron, Crespo ou Batistuta.
Résultat, le palmarès de ce fils d'une riche famille d'intellectuels et d'hommes politiques se réduit à trois championnats d'Argentine (1991, 1992, 1998), une médaille d'or aux JO (2004) et quatre finales, toutes perdues, en Copa Libertadores avec Newell's (1992), en Copa America avec l'Argentine (2004), en Ligue Europa et Coupe d'Espagne avec Bilbao (2012). Un piètre CV qui lui vaut d'être régulièrement critiqué.
Il peut toutefois se targuer d'avoir inspiré des entraîneurs qui ont, eux, atteint des sommets: Jorge Sampaoli, Diego Simeone, Mauricio Pochettino et surtout Pep Guardiola. Qui, en 2012, avait assuré que Bielsa était tout simplement le "meilleur entraîneur de la planète". Car chez ses confrères aussi, l'Argentin déchaîne les passions.
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