Près de six mois après son éviction du pouvoir par le Parlement pour maquillage des comptes publics, l'ancienne dirigeante de gauche vit désormais à Porto Alegre (sud), où elle suit avec discipline un programme d'exercices physiques et de vélo pour se maintenir en forme.
Détendue, elle plaisante facilement, énumère la longue liste de conférences qu'elle doit donner prochainement en Europe et aux Etats-Unis et évoque pour la première fois son avenir politique.
"Je ne serai pas candidate à la présidence de la République, si telle est la question. Mais je n'arrêterai jamais de faire de la politique (...). Je n'écarte pas la possibilité d'une candidature pour des postes comme sénatrice ou députée", confie-t-elle à l'AFP lors d'un entretien réalisé vendredi à Brasilia.
A 69 ans, cette ex-guérillera marxiste, torturée sous la dictature (1964-1985), n'a disputé que deux élections dans sa vie : la présidentielle qu'elle a remportée en 2011, puis celle de 2014 où elle a été réélue, à chaque fois sous la bannière du Parti des travailleurs (PT).
Première femme à arriver au sommet de l'Etat du plus grand pays d'Amérique latine, Dilma Rousseff garde encore, sur son compte Twitter, la mention "présidente élue du Brésil".
Ne bénéficiant d'aucune pension de retraite comme ex-chef de l'Etat, elle vit des 5.300 réais (environ 1.700 dollars) de sa retraite comme fonctionnaire de l'Etat de Rio Grande do Sul, complétant ses revenus avec les loyers des quatre appartements appartenant à sa famille.
Depuis Porto Alegre, elle suit les rebondissements du vaste scandale de corruption autour de Petrobras, qui éclabousse une grande partie de la classe politique dont le PT, mais perd patience quand on lui demande comment elle ne pouvait être au courant, quand elle était au pouvoir, de ce qui se tramait au sein du groupe pétrolier public, dont elle a même présidé le conseil d'administration.
"Ce sont des processus extrêmement compliqués (...) Personne au Brésil ne connaît tous les cas de corruption qui existent encore aujourd'hui", affirme-t-elle.
'La justice de l'ennemi'
Héritière politique de l'ex-président Luiz Inacio Lula da Silva (2002-2010), emblème d'une gauche latinoaméricaine dont l'étoile a pâli sous le coup des scandales de corruption, Dilma, comme on l'appelle au Brésil, dit aujourd'hui se promener sans problèmes dans le quartier Tristeza ("tristesse") où elle habite et voyager sereinement à Rio de Janeiro pour aller voir sa mère.
Mais "rien n'empêche que quelqu'un m'agresse" dans la rue, estime-t-elle, malgré ses gardes du corps.
Entre mai et août 2016, le Brésil a vécu au rythme d'un procès politique historique dont l'acte final s'est joué au Sénat, où Rousseff s'est défendue avec fougue pendant plus de 10 heures.
Sa chute a été précédée par une rafale d'accusations de corruption contre son parti, qui ont entraîné des manifestations massives.
Même "les pierres de Brasilia et les ñandus (sorte d'autruche sud-américaine, ndlr) d'Alvorada savaient qu'ils étaient en train d'inventer un motif pour m'écarter du pouvoir", affirme-t-elle, en référence au palais d'Alvorada, entouré d'immenses jardins remplis d'oiseaux, où elle vivait quand elle était présidente.
"C'était ce qu'on appelle la justice de l'ennemi : on ne juge pas, on détruit", tranche-t-elle à propos de sa destitution, qui a mis fin à 13 ans de pouvoir du PT au Brésil, plaçant à son poste le vice-président conservateur Michel Temer, qu'elle accuse d'avoir fomenté "un coup d'Etat parlementaire" même si elle dit ne conserver aujourd'hui aucune rancoeur personnelle contre ceux ayant mené son impeachment.
Ironie du sort, aujourd'hui le président Temer est au plus bas dans les sondages, alors que six de ses ministres ont dû démissionner sur des accusations de corruption, tandis que Lula est en tête des intentions de vote pour l'élection présidentielle de 2018 selon un récent sondage, malgré les enquêtes le visant dans le cadre du dossier Petrobas.
"Malgré toutes les tentatives de détruire sa personne, son histoire, Lula reste au premier plan, spontanément il est encore celui pour qui on vote le plus", souligne Dilma Rousseff, qui redoute un "second coup d'Etat" pour condamner Lula dans l'affaire Petrobras afin de l'empêcher d'être candidat.
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