Son patron Toshio Motoya, auteur de l'ouvrage qui dément aussi l'existence des esclaves sexuelles (dites "femmes de réconfort"), essentiellement des Coréennes, durant la domination coloniale nippone (1910-1945), a refusé de le retirer malgré l'ire de Pékin et ses appels au boycott.
Déjà des clients fuient: les athlètes chinois et sud-coréens, en lice aux Jeux asiatiques d'hiver qui débutent dimanche dans le nord du Japon, ont décidé de loger ailleurs. Mais M. Motoya n'en a cure, assurant qu'il ne cèdera pas à la pression étrangère.
Le brûlot en question affirme que le massacre de Nankin, épisode le plus sanglant de la guerre sino-japonaise, qui a fait en décembre 1937 des centaines de milliers de victimes, n'a jamais eu lieu. Il "a été fabriqué de toutes pièces par la Chine", argue le PDG du groupe hôtelier APA qui entend "enseigner aux lecteurs la vraie version de l'histoire moderne basée sur des faits réels".
"Les révisionnistes aspirent à réécrire l'histoire de l'expansion militariste du Japon en Asie et brandissent pour se disculper un récit qui fait fi de ce qui s'est passé", analyse Jeff Kingston, directeur des études asiatiques à l'université Temple de Tokyo.
'Noble' Japon
Dans cette affaire, le gouvernement japonais reste étrangement silencieux. Pire, il encourage indirectement ce genre de comportements, qui se sont accrus depuis la fin des années 1990, à la fois dans le monde politique, médiatique et des affaires, selon des experts interrogés par l'AFP.
Le Premier ministre Shinzo Abe, revenu au pouvoir fin 2012 avec la promesse de redonner sa grandeur au Japon, ne fait pas secret de ses opinions nationalistes et s'est entouré de figures très conservatrices, comme la ministre de la Défense Tomomi Inada.
Regarder vers l'avenir plutôt que se repentir pour le passé: telle est l'obsession de ce faucon opiniâtre pour qui le Japon doit cesser de se penser comme le pays qui a perdu la guerre. Il veut renouer avec un "noble" et puissant Japon, caressant le rêve de réviser la Constitution pacifiste imposée en 1947 par les Etats-Unis.
S'il a renouvelé les "excuses inébranlables" de son pays en août 2015, pour les 70 ans de la fin de la guerre, M. Abe a appelé à en exempter dorénavant les générations d'après-guerre.
Lui-même ne remet pas en question le massacre, mais "il a toujours entretenu des liens étroits avec les membres" de la Conférence du Japon (Nippon Kaigi), un puissant lobby nationaliste pour qui Nankin est "une accusation mensongère", souligne Tamotsu Sugano, auteur d'un livre sur ce groupe.
'Porte-drapeau'
"Il s'est montré prudent depuis qu'il est Premier ministre", mais la mouvance révisionniste "constitue son ancrage", abonde Koichi Nakano, professeur à l'université Sophia de Tokyo. Il est en quelque sorte "le porte-drapeau" de ces gens, poursuit-il.
L'homme du scandale, M. Motoya, qui a aussi été accusé de remarques antisémites distillées dans une revue placée dans ses hôtels au Canada, n'a fait l'objet d'aucune condamnation des autorités, et n'a guère suscité d'émoi dans les médias ou l'opinion publique.
Une indifférence dont s'est félicité le journal nationaliste Sankei. Finis les remords éternels, "le Japon change", a écrit un éditorialiste. "Le gouvernement ne fait pas pression sur APA ni ne l'appelle à la retenue".
La situation contraste avec celle de l'autre grand vaincu du Second conflit mondial, l'Allemagne, où des propos niant l'Holocauste ou exprimant de la sympathie pour le nazisme sont punis par la loi.
Au Japon, en vertu de la liberté d'expression, il n'existe pas de texte les réprimant. Petite nouveauté, une législation a été approuvée l'an dernier pour tenter d'éradiquer les "discours de haine", des diatribes xénophobes déversées par des camions surmontés de hauts-parleurs sillonnant les rues de Tokyo ou publiées sur internet, à l'encontre notamment de la communauté sud-coréenne.
Ces vues révisionnistes restent cependant minoritaires dans la société japonaise. "La montée en puissance de la Chine nourrit les inquiétudes", constate M. Kingston, "mais le nationalisme n'a pas un écho puissant parmi les Japonais qui sont conscients des dangers qu'il porte en lui".
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