Dans la cuisine, cette Congolaise de 35 ans, mère de trois enfants âgés de 5, 7 et 14 ans, s'affaire autour d'un poulet au manioc, qui mijote pour les quelque 25 occupants.
Comme les autres adultes présents, elle arbore une mine défaite. Malgré les difficultés rencontrées à Rennes, impossible pour ces déboutés de l'asile d'envisager un retour en RDC, où ils disent avoir été victimes de persécutions. En 2016, la RDC était le 6ème pays et le 2ème d'Afrique pour les demandes d'asile, selon l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra). Mais le sort de ces réfugiés, contrairement à ceux de conflits comme la Syrie ou l'Irak, est mal connu.
"L'État français justifie son refus d'accorder l'asile en expliquant que les demandeurs sont trop +évasifs+, mais quand les Congolais fuient leur pays, ils ne savent même pas qu'ils vont devoir faire une demande d'asile. Ils partent sans documents, d'autant que l'administration congolaise, c'est le chaos. Et s'ils reviennent, c'est la prison", explique à l'AFP Jean-Willy Mbuko-Bayanga, pasteur et militant des droits de l'homme congolais.
Sans statut en France, ils vivent une errance forcée, y compris à Rennes, ville citée en exemple pour sa politique du logement. "Nous avons été dans un foyer, à l'hôtel, par-ci par là à Saint-Malo, Vitré ou Fougères, à la rue quand il n'y a plus de place", raconte Chantal, arrivée en France en 2013 et déboutée de l'asile en 2015.
Difficile pour leurs enfants de suivre une scolarité normale, soulignent les militants du collectif rennais Carpes. Il y a une semaine, ces derniers ont réquisitionné la coquette maison de briques rouges, destinée à être transformée en logements et bureaux, pour y introduire les migrants, majoritairement femmes et enfants.
Sur la façade, une banderole proclame: "Nous dormons dehors alors que des logements sont vides". Les enfants courent en tous sens, presque insouciants.
Le promoteur immobilier Lamotte, propriétaire des lieux, a indiqué avoir "fait constater par huissier l'occupation illégale". Selon les militants, une procédure d'expulsion est en cours.
Le viol comme arme de guerre
Marie, 39 ans, mère de quatre enfants dont deux l'ont accompagnée, vendait des vêtements dans l'Est de la RDC, en proie à des troubles endémiques sanglants.
Soupçonnée d'opposition au président Joseph Kabila pour avoir transporté des tracts dont elle ignorait la nature, elle a été emprisonnée trois mois. "J'ai été frappée, violée", raconte-t-elle larmes aux yeux.
Considérés comme des opposants politiques, les hommes ont aussi connu la violence. Jules, 34 ans, appartenait à la secte politico-religieuse sécessionniste Bundu dia Kongo (BDK). "J'ai été incarcéré à la prison de Makala, à Kinshasa", de 2011 à 2013, "mais je me suis évadé", raconte-t-il.
"Ca devient encore pire. On suit ça sur internet", dit-il en allusion aux opérations de police à Kinshasa contre le BDK.
Redi, 47 ans, a lui quitté la RDC en 2014, et en appelle à la France pour pacifier son pays. Membre du parti d'opposition Union pour la Démocratie et le Progrès Social (UDPS), il a été placé sous contrôle judiciaire, puis a décidé de fuir Kinshasa.
Autant de récits que connaît bien le pasteur Mbuko-Bayanga, auteur du livre "Je n'ai pas choisi de partir" sur les drames d'un pays qui ne fait pas la Une en France.
Pour lui, la RDC est "le pays le plus dangereux au monde pour les femmes, violées tant par des groupes armés que par l'armée régulière", faisant exploser les cas de sida. Quant aux opposants, "rien ne les protège, selon lui. L'armée pratique des exactions sans être punie".
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