En 1930, Jean-Baptiste et Marie Troisgros établissent leur restaurant en face de la gare de Roanne, ville traversée par la fameuse route des vacances, la nationale 7.
Le 1er janvier 2017, Michel, petit-fils du fondateur, sa femme Marie-Pierre et leur fils César, ont assuré le dernier service dans le berceau historique de cette table, auréolée depuis 1968 de trois étoiles Michelin.
Cap désormais sur Ouches, village à 8 km de là. C'est dans ce paysage rural que rouvre samedi à midi le célèbre restaurant, les Troisgros conservant dans le centre-ville de Roanne leur Café-restaurant-épicerie, Le Central.
"On ne quitte pas la région. Ce n'est pas un déracinement, mais au contraire un enracinement", insiste Michel Troisgros, 58 ans, qui a repris les rênes avec sa femme en 1996.
A Roanne, les relations avec les propriétaires des murs étaient "compliquées" et malgré les travaux de rénovation réguliers, les Troisgros finissaient par se sentir à l'étroit, prisonniers du passé: "C'était comme si les fondations avaient été déjà établies et les règles déjà écrites pour nous", explique Michel.
A Ouches, "on donne une nouvelle dynamique à l'équipe, une nature avec plein de possibilités de développement", s'enthousiasme cet homme chaleureux, évoquant un futur fournil ou un jardin écolo.
Très investi dans ce projet, César, 30 ans, l'un des trois enfants du couple, a rejoint depuis six ans le restaurant, où il est chef de cuisine auprès de son père.
"La création est encore mon domaine, commente Michel. Mais je pense que cela va évoluer très vite, je vais de plus en plus me détacher de la cuisine (...), pour m'inventer un nouveau rôle".
"Je ne sais pas le temps que cela prendra, peut-être deux ans. Je ne voudrais pas que cela arrive trop tard. Je ne voudrais pas, en étant trop sur les bretelles de mon fils, lui enlever le stimulant qu'il a aujourd'hui".
Cuisine ouverte sur la nature
Le restaurant et l'hôtel qui l'accompagne sont installés dans un manoir du XIXe siècle et une ancienne ferme, sur un terrain de 17 hectares.
Les Troisgros ont investi 8 millions d'euros dans le projet et fait appel à l'architecte Patrick Bouchain, qui avait aménagé leur table bourguignonne La Colline du Colombier, l'un des trois établissements du couple.
Les lieux sont d'une élégance brute. Côté hôtellerie, les 15 "chambres d'amis" sont aménagées avec des meubles choisis par la maîtresse de maison.
Le client du restaurant entre par la même porte que les "petits métiers". "On passe par là où passe tout le personnel nécessaire à la qualité de ce que vous allez vivre", explique Patrick Bouchain.
L'accès se fait par une grange à la charpente impressionnante, en empruntant un couloir où des fenêtres permettent d'entrevoir la cave et ses 37.000 bouteilles.
La salle du restaurant, "Le bois sans feuilles", est entièrement vitrée et donne l'impression de manger dehors, près d'un chêne centenaire.
Tables en bois, sol fait de parquet récupéré, piliers d'acier évoquant des arbres, lampes légères comme des oiseaux ou des feuilles volantes: tout ici fait écho à la nature environnante.
La cuisine, spacieuse, s'ouvre sur des prés. Une nature qui va "bien sûr" influencer l'assiette. "Ce ne sera pas une révolution mais un changement au fur et à mesure", explique Michel Troisgros, sans savoir encore si la cuisine sera "plus végétale, ou au contraire plus carnée", avec les charolaises des environs.
Seule certitude, "la première carte n'aura pas de modifications importantes". Les menus vont de 140 euros à midi à 410 euros.
Quant au fameux saumon à l'oseille, qui a fait la réputation de la maison, il ne fait plus partie de la carte depuis une quinzaine d'années. "Il est complètement décalé par rapport à notre cuisine aujourd'hui! C'est comme si on jouait du Mozart au milieu d'une musique actuelle", dit Michel Troisgros, qui le sert encore ponctuellement, "pour faire plaisir à un client, comme un cadeau".
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