Marquée par la mort lors de son interpellation par des gendarmes le 19 juillet de ce jeune homme de 24 ans et les nuits de violences qui avaient suivi, la commune du Val-d'Oise de 10.000 habitants est restée calme dans le sillage de l'"affaire Théo", victime d'un viol présumé par un policier lors d'une interpellation le 2 février en Seine-Saint-Denis.
Mais le slogan "Justice pour Adama" est scandé avec une force renouvelée dans les manifestations de ces derniers jours contre les violences policières.
Dans le quartier de Boyenval, d'où Adama était originaire, ce message s'affiche depuis juillet jusque sur les t-shirts des habitants.
"Avant, personne savait situer Beaumont-sur-Oise sur une carte", relève un étudiant d'une vingtaine d'années, occupé à fumer un narguilé avec trois amis dans une voiture stationnée devant l'épicerie de Boyenval, au coeur de ce quartier composé d'immeubles de quatre étages, de HLM rénovés et de pavillons.
Comme lui, nombre de jeunes de Boyenval reprochent aux politiques de ne pas "s'être mouillé" : ils auraient voulu qu'ils soutiennent comme eux qu'Adama Traoré a succombé à une "bavure". Alors, à quelques semaines du premier tour de la présidentielle, peu se disent prêts à voter.
Surtout, prévient l'étudiant, "les politiques n'ont pas intérêt à se montrer ici" alors qu'ils ne sont pas venus après la mort d'Adama, "comme si on n'existait pas".
Si Mohamed, manutentionnaire de 26 ans, se déplace pour la présidentielle, ce sera seulement pour "éviter le pire", qu'il associe à une victoire de Marine Le Pen.
Une mère célibataire, qui est allée à l'école avec Adama Traoré et soutient avec ferveur le combat de sa famille, n'exclut au contraire pas de voter pour la présidente du Front national. Pour elle, "trop de Syriens" frappent aux portes de la France.
Un peu plus loin, un couple de retraités trouve aussi qu'il y a "trop d'étrangers qui rentrent en France". Mais leur vote n'ira pas au FN. La femme explique sans ciller : "On peut pas être de droite, on est ouvriers."
'Ville-dortoir'
"J'ai été patron, je vais pas voter à gauche", glisse comme en écho Romuald, accoudé au comptoir d'un bar du centre-ville. Ce commercial en fluides automobiles de 44 ans fait "partie du peuple désabusé" mais ira voter : "Celui qui n'est pas content et va pas voter, il peut pas se plaindre."
Sur les hauteurs de Beaumont-sur-Oise, Jérémy, 18 ans, longe rapidement l'espace réservé au marché sur le parking jouxtant les ruines d'un château médiéval. Ce jour-là, un seul commerçant a fait le déplacement.
Pour la première fois en âge de voter, le jeune homme estime que l'affaire Traoré "ne va pas créer de l'affection pour un candidat, plutôt de la défiance envers les politiques".
Mais une candidate est régulièrement citée par les résidents du centre-ville.
Claudine, 65 ans et historiquement dans le camp "du grand Charles" de Gaulle, vote Le Pen depuis 2012. L'affaire Traoré a "énormément" conforté son choix. "Ils veulent faire de Boyenval une zone de non-droit", juge-t-elle.
Outre son marché déserté, le bourg de Beaumont est constellé de boutiques à vendre, de rideaux de fer baissés et de volets fermés dans les étages.
"Les entreprises ont disparu, c'est devenu une ville-dortoir", constate un agent immobilier, pour qui le centre a périclité à cause des centres commerciaux de périphérie, "comme pour beaucoup de villes moyennes de banlieue".
"C'est un drame", pense Fabrice Millereau, maire DVG pendant 26 ans. L'ancien élu constate une "poussée FN" dans sa commune "historiquement de centre gauche". "Les événements de juillet n'ont rien fait pour l'enrayer", selon lui.
"Il faut s'attendre à un vote FN" parmi les 5.551 électeurs de la commune, estime aussi la maire actuelle, Nathalie Groux (UDI).
Un progression constatée d'élection en élection (20,72% à la présidentielle 2012 pour Marine Le Pen, 26,56% pour le FN aux dernières régionales, 35,39% aux départementales), bien avant l'affaire Traoré.
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