Des roses en plastique, des ballons et des stylos marqués de petits coeurs rouges circulent entre les mains. Des confettis de toutes les couleurs jonchent le sol et parsèment les chevelures. Un énorme gâteau à la crème a même été commandé pour l'occasion au collège-lycée Azzouhour (les fleurs, en arabe).
"Ce 14 février restera inoubliable!", s'émeut Manal. "Je savais qu'il existait une fête célébrant l'amour mais c'est la première fois qu'on a l'occasion d'y participer", raconte la lycéenne, couverte d'un niqab qui laisse entrevoir des yeux couleur miel soulignés au khôl.
"Organiser une fête avec des filles et des garçons dans la même salle, de la musique, de la joie tout simplement, c'était impensable il y a encore quelques mois", confie Nour, 14 ans.
Mais l'insouciance des élèves contraste avec la crispation des organisateurs de cette Saint-Valentin "audacieuse", soucieux d'en assurer la sécurité.
Ils surveillent de près les quelques jeunes gens qui s'aventurent dans la cour et les somment de retourner à l'intérieur.
Car des drones du groupe Etat islamique (EI) survolent toujours cette partie de la ville pourtant reconquise par les forces irakiennes il y a près un mois.
L'organisation jihadiste "a menacé de s'attaquer à toutes les écoles qui rouvraient, on n'est à l'abri de rien ici, ils peuvent encore nous atteindre depuis la rive ouest ou avec des kamikazes", explique Farid, l'un des membre de Nahdat Jil (Génération Renaissance), qui organise la fête.
Ce groupe de jeunes femmes et hommes de Mossoul, âgés de 15 à 30 ans, est né il y a un mois, à travers les réseaux sociaux, et s'est donné pour objectif de déblayer des écoles et hôpitaux détruits, repeindre des murs publics, planter des arbres et, d'une façon générale, faire revivre la ville meurtrie.
"Effacer les traces de Daech"
Rafal Mouzaffar a 26 ans et fait partie des quelque 300 volontaires du groupe. "Il faut effacer les traces de Daech, qu'elles soient visibles ou symboliques", dit-il, utilisant un acronyme en arabe de l'EI.
Les inscriptions à la gloire du "califat" autoproclamé par l'EI en juin 2014 à Mossoul ont presque entièrement disparues des façades d'immeubles mais les cicatrices laissées par les jihadistes sont encore bien présentes dans les esprits.
"Nous essayons de mener des actions symboliques qui contrastent totalement avec tout ce qu'on a pu vivre pendant deux ans", affirme Rafal, vêtue d'une longue tunique noire et d'un voile jaune.
La semaine dernière, le groupe, entièrement formé de jeunes musulmans, a entrepris de déblayer une grande église, dite du "Titanic" à cause de sa forme, "pour montrer qu'à Mossoul nos différences sont une force", explique la jeune femme.
L'un des fondateurs du groupe, Mohamad Namoq, a été emprisonné et torturé par l'EI pendant près de deux mois pour des poèmes jugés subversifs qu'il déclamait à la radio.
"Même si la menace pèse sur nous, rien ne peut nous empêcher d'avancer et de crier haut et fort ce qu'il a fallu taire pendant longtemps", assure-t-il.
A 17 ans, Hanine aussi est déterminée à participer à la reconstruction de sa ville. "Tous les jeunes doivent participer et pas seulement les garçons, les filles aussi!", s'exclame-t-elle.
Pouvoir fêter la Saint-Valentin est "magique, car sans amour, comment peut-on vivre?", dit-elle en rigolant, avant de préciser, soucieuse de faire bonne figure au cas où elle "passerait à la télé", qu'elle n'a pas de petit ami.
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