Comme Donya, 33 ans, vendeuse de fruits et légumes, "tout le monde ne parle que de ça", vendredi sur la place du marché de la cité des 3.000, dans cette ville de Seine-Saint-Denis. Devenue "l'affaire Théo", l'interpellation le 2 février du jeune homme de 22 ans, qui dit avoir été violé avec la matraque d'un policier, a "choqué" tout le quartier.
Hussein, la soixantaine, boucher du quartier "depuis 32 ans", est un "voisin" de Théo dans la cité: "Tant qu'il n'y aura pas de jugement, on ne passera pas à autre chose", dit-il en avalant un café pour se réchauffer.
L'un des quatre fonctionnaires ayant procédé à l'interpellation du jeune homme a été mis en examen pour viol, les trois autres pour violences. Ils ont tous les quatre été suspendus. Le jeune homme est toujours hospitalisé.
A quelques mètres de la place du marché, des ados sont regroupés sur le trottoir de la grande rue qui traverse la vaste cité. Quand une voiture de police passe, les insultes fusent: "Violeurs! Violeurs!", crient certains jusqu'à ce que le véhicule tourne au coin de la rue.
Mais ces derniers jours les incidents qui avaient éclaté le week-end dernier ont largement diminué aux 3.000. Au pic de la tension, des policiers "pris à partie" avaient effectué des tirs de sommation à balles réelles dans la nuit de lundi à mardi.
Comme tous les soirs depuis l'interpellation de Théo, Nordine, 44 ans, figure du quartier, passera tout à l'heure auprès des jeunes. "Je leur dis de +respecter la mifa+" (famille), explique-t-il.
La famille de Théo, puis le jeune homme, ont appelé au calme mardi. Depuis son lit d'hôpital, devant le chef de l'Etat venu à son chevet, il a exhorté les jeunes de son quartier à ne "pas faire la guerre" et à "rester unis".
Grâce à son appel, la situation va "continuer à s'apaiser" dans les jours qui viennent, juge Nordine.
'Cocotte-minute'
"Jusqu'à la prochaine affaire", nuance Francisco, agent immobilier de 28 ans, qui vit dans la cité voisine. "Les bavures, à Aulnay ou ailleurs, il y en a tous les jours", lance-t-il, en enchaînant les exemples, comme le font d'autres jeunes du quartier.
Alors Francisco, qui avait participé aux émeutes de 2005, ne voit pas comment les relations entre jeunes des quartiers et forces de l'ordre pourraient s'améliorer dans l'immédiat. D'autant que "les banlieues restent une cocotte-minute".
Pourtant, ici comme dans d'autres banlieues, des programmes de rénovation urbaine ont été lancés en 2007. Une dizaine de tours, construites au début des années 1970 pour les ouvriers de l'usine PSA (fermée en 2014), ont été détruites. D'autres immeubles ont été rénovés.
"On ne va pas cracher sur ce coup de peinture", dit Abdallah Benjana, adjoint sous la précédente municipalité (PS). "Mais les gens ont avant tout besoin d'un travail, d'un logement", insiste-t-il. "Les jeunes ne demandent que ça ici, entrer dans la vie, dans le système."
Avec la rénovation urbaine, "on pensait que ça allait attirer des entreprises, des commerçants qui auraient favorisé la mixité", dans cette partie de la ville où sont concentrés 70 à 80% des logements sociaux, raconte Arnaud, animateur d'un site d'information locale. "Mais ça n'a pas été le cas."
Prochain espoir: l'ouverture d'ici 2025 d'une gare du futur métro du Grand Paris Express, à deux pas des 3.000. Le quartier d'affaires de La Défense et de nouvelles promesses d'embauches ne seront "plus qu'à 20 minutes", poursuit Arnaud. D'ici là, prédisent les habitants, Théo sera devenu une "effigie" du quartier.
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