Chez Ralph Lauren, Anna Sui, Carolina Herrera ou Club Monaco, où elle est aujourd'hui designer technique senior, la jeune femme s'est accommodée des codes du monde de la mode, quelles que soient les pièces sur lesquelles elle travaille.
"Je réalise de beaux vêtements", ajoute-t-elle, "et les femmes peuvent choisir de les porter comme elles le veulent".
Elle-même superpose régulièrement les éléments des créateurs pour couvrir son corps.
"Je préfère porter un haut à manches longues Uniqlo plutôt que de la mauvaise +modest fashion+", dit-elle, en référence à la "mode pudique", parfois aussi appelée "mode islamique".
Quand elle a fait le choix du voile à 17 ans, sa mère, coréenne d'origine et chrétienne, a mis trois ans à accepter sa décision.
D'habitude, à cet âge, "les gens veulent seulement se fondre dans la masse", dit-elle d'une voix douce mais déterminée. En se couvrant, elle allait donc "à l'encontre de tout ce que disait notre société".
"Toutes ces marques vous expliquent que vous devez vous maquiller, montrer de la chair, vous teindre les cheveux", dénonce-t-elle. "L'industrie vous dit que vous ne serez jamais assez bien".
"Si je me couvre, je prends le pouvoir, je décide qui je veux être", dit-elle. Et quelle que soit la controverse que peut susciter ce type de décision, elle est certaine que "pour la majorité des femmes musulmanes dans le monde, c'est un choix".
"Travailler encore plus dur"
A 20 ans, Sarah lance sa marque de "modest fashion", Haya, mais la met vite en sommeil pour "étudier". D'abord à la prestigieuse Fashion Institute of Technology de New York, puis dans les ateliers de grandes marques.
Mais l'idée de proposer sa propre mode reste bien présente chez celle qui a remporté un concours national de création de voile islamique il y a trois ans.
"Mon message ne sera pas religieux", prévient-elle, citant en exemple la créatrice américaine Ryan Roche, adepte des pantalons et des manches, et The Row, la maison des soeurs Olsen, dont beaucoup de pièces sont longues et amples.
"Elle sont extrêmement pudiques, mais comme elles ne sont pas liées à la religion, les gens ne le voient pas comme ça", souligne la jeune femme, aujourd'hui âgée de 33 ans, dont le voile étudié rappelle les turbans des années folles.
Depuis dix ans qu'elle a intégré l'industrie, Sarah dit n'avoir eu vent que d'une autre femme voilée dans le milieu des grandes marques américaines de prêt-à-porter.
Si ce milieu est plus ouvert que le reste de la société américaine, elle se souvient d'un entretien d'embauche où le recruteur l'a ouvertement écartée parce qu'elle portait le voile.
"Les gens me jugeront toujours différemment", admet-elle. "Je dois travailler encore plus dur, mais c'est pour ça que j'ai signé quand j'ai fait ce choix".
Sa différence, Sarah l'a toujours sentie davantage lorsqu'elle quitte le microcosme new-yorkais pour retourner dans son Midwest natal. Et depuis l'élection de Donald Trump, la fracture est encore plus marquée.
"Dès que je suis arrivée en Ohio, j'ai senti les regards appuyés. Et je ne suis pas parano", dit-elle.
Mais son voile suscite aussi parfois des réactions positives, comme le jour où "une femme m'a abordée dans la rue pour me dire: votre foulard est magnifique", se souvient-elle.
"Je pourrais retirer mon voile et me fondre dans la masse. Mais mes amis noirs, eux, ne peuvent pas changer", explique la jeune femme.
Sarah préfère voir dans ce défi une opportunité. Pour les musulmans, dit-elle, "la mode peut être un moyen (...) de nous unir et trouver des moyens de faire front au sectarisme et à la haine".
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