"Après, ce ne sera plus le même bateau!", assure Stanislas Gentien, officier de communication de la préfecture maritime. Arrivé à "mi-vie" après quinze ans de service, le seul porte-avions nucléaire français avait rejoint Toulon, son port d'attache, mi-décembre, pour une longue parenthèse technique.
Mercredi matin, l'immense bâtiment de 42.500 tonnes (4 fois la tour Eiffel), aidé par une dizaine de remorqueurs, est entré dans un bassin à peine assez grand pour lui, au terme d'une manoeuvre délicate "précise à une dizaine de centimètres près de chaque côté".
"C'est un défi industriel, ce n'est pas une opération banale", a expliqué à l'AFP Jean-Nicolas Wolf, le responsable logistique du groupe industriel français DCNS, en charge de l'ouvrage, alors que le navire pénétrait dans le bassin équivalent en eau à 47 piscines olympiques.
Une fois les remorqueurs sortis, l'eau du bassin devait être pompée à mi-hauteur (7 mètres environ), pour permettre au bateau de se stabiliser sur les 165 blocs de béton disposés au fond. Une quinzaine de plongeurs doivent relier le navire à une cinquantaine de tuyaux, pour lui permettre d'être alimenté en eau de mer.
A ciel ouvert, aux côtés d'autres navires militaires en carénage, le Charles de Gaulle doit ensuite s'échouer dans le bassin pour y rester en cale sèche pendant la durée des travaux.
"Il sera en cale sèche, mais rien ne s'arrête!", prévient Jean-Nicolas Wolf: "le bateau continue de fonctionner comme en mer". D'où la nécessité de l'alimenter en eau.
DCNS et les 160 entreprises partenaires du chantier vont entreprendre en 18 mois, avec près de 2.000 personnes par jour en comptant l'équipage, "ce que les Américains font en quatre ou cinq ans" sur un porte-avions. D'où la nécessité de garder à bord l'équipage, qui connaît le bateau, et pourra se former au fur et à mesure aux nouvelles machines.
"Tenir jusqu'en 2041"
"La mission de l'équipage est double", insiste Pierre P., du groupement opérationnel du Charles de Gaulle: "l'entretien du bâtiment qui reste actif, et assurer la sécurité du chantier". "On attend beaucoup de ces travaux", ajoute le marin, "l'idée c'est de permettre au bateau de tenir jusqu'en 2041".
Déployé en Méditerranée à trois reprises contre le groupe Etat islamique (EI) depuis janvier 2015, le Charles de Gaulle, mis en service en 2001, est arrivé à "mi-vie". Il avait déjà été immobilisé une première fois en 2007 pour un carénage qui avait coûté 300 millions d'euros. La Défense anticipe cette fois une facture supérieure à un milliard d'euros.
Comme en 2007, les deux "coeurs nucléaires" du navire vont être renouvelés. Les réacteurs, véritables centrales atomiques, entraînent les deux arbres d'hélice, produisent l'électricité du bord -assez pour une ville de 100.000 habitants-, la vapeur indispensable aux deux catapultes et l'eau douce.
Ce chantier n'est pas plus dangereux qu'un autre chantier industriel, assure Clément C., de la Direction générale des armées. Le changement des coeurs nucléaires serait même "le plus sûr, tant tout est écrit et millimétré".
"On va ouvrir des pompes, des turbines qu'on n'avait jamais explorées, et découvrir des choses, c'est certain", explique-t-il, "mais on s'y prépare, par exemple on a déjà des hélices de rechange".
Le Charles de Gaulle va aussi être profondément modernisé, notamment au niveau des "systèmes de combat". Un nouveau radar de veille aérienne en 3D, à la portée et aux performances accrues, sera installé, ainsi que des capteurs infrarouges actualisés.
Par ailleurs, le passage du Charles de Gaulle au "tout Rafale" va nécessiter une refonte des installations d'aide à l'appontage des avions de combat. Les automates de conduite de la plateforme seront aussi changés, de même que les systèmes de l'aide à la maîtrise des avaries.
Au printemps 2018, le porte-avions devrait reprendre le large pour des tests opérationnels.
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