Pour Louis Gautier, secrétaire général de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN), "la révolution génétique implique que l'on ait un plus haut niveau de conscience sur les risques" liés à une utilisation malveillante de ces techniques.
"Nous savons que malheureusement dans toute une série de domaines où la technologie peut être détournée à des fins nuisibles, Daech a tenté des recherches, a essayé de développer des choses qui pour l'instant sont inabouties heureusement", a déclaré Louis Gautier, lors d'un point de presse mardi à l'Académie des sciences.
Il présentait les conclusions d'un rapport du Conseil national consultatif pour la biosécurité, dont il est le président. Créé en août 2015, composé de scientifiques et de représentants de ministères, le CNCB a pour mission d'éclairer les pouvoirs publics, les scientifiques et la population sur les risques que peuvent représenter les avancées des sciences de la vie lorsqu'elles sont utilisées à des fins malveillantes.
Le CNCB s'est saisi de la question des manipulations du génome à la suite de la publication en 2016 d'un rapport de James Clapper, alors directeur du renseignement américain, qui a placé l'édition du génome dans la liste des "armes de destruction massive".
Découverte en 2012, la technique d'édition CRISPR-Cas9 permet d'éliminer et d'ajouter des fractions de matériel génétique avec une extrême précision. Ces "ciseaux génétiques" sont assez faciles à utiliser et peu coûteux.
"Les conclusions de notre rapport ne sont pas exactement les mêmes" que celles de James Clapper, a souligné le biologiste Antoine Danchin, spécialiste de la génétique microbienne, qui a coordonné les travaux du CNCB sur ce dossier.
"En l'état de l'art", CRISPR-Cas9 "ne permet pas d'accroître fondamentalement le risque de prolifération d'armes biologiques", selon le rapport français dont les annexes sont classifiées "secret défense". "A cet égard", l'outil CRISPR-Cas9 "ne constitue pas un saut technologique majeur susceptible de générer de nouvelles menaces", estiment ses auteurs dans la synthèse du rapport.
Surveillance mutuelle
Le CNCB a réfléchi également aux conséquences possibles de l'amélioration des techniques de construction des génomes par biologie de synthèse. Et là il tire clairement la sonnette d'alarme.
"Actuellement, le vrai problème, c'est la question de la reconstruction en laboratoire de microorganismes existants dans la nature", notamment des virus connus pour leur dangerosité, a considéré Antoine Danchin. Il a cité comme exemple la variole, virus très contagieux, éradiqué en 1980.
Avec internet, la séquence du génome de certains microorganismes est en accès libre.
Et "la multiplication de société privées capables de produire +à façon+ des gènes de synthèse pose une vraie question de sûreté et de prolifération potentielle", souligne le rapport.
"Il est devenu très facile d'obtenir des morceaux de génome synthétisés chimiquement et commercialisés", selon Antoine Danchin.
Face à ces menaces, le CNCB émet plusieurs recommandations générales. Il conseille de sensibiliser à la question les responsables des laboratoires et les chercheurs qui travaillent sur les microorganismes.
"Il faut faire en sorte que les chercheurs aient conscience que ces risques existent et qu'ils se surveillent mutuellement", a déclaré le Pr Danchin.
Le rapport préconise de limiter davantage l'accès et de renforcer encore la protection des laboratoires de microbiologie, notamment ceux qui conservent des microorganismes pathogènes.
Concernant les programmes de biologie de synthèse, il recommande notamment de surveiller les bases de données répertoriant les génomes des agents pathogènes. "L'idée est de voir qui se connecte, qui vient chercher sur internet ces séquences", explique un expert du SGDSN, qui a travaillé sur le rapport.
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