Ils viennent du Sénégal, du Niger, du Nigeria, de Côte d'Ivoire, du Cameroun et du Pakistan, la plupart après avoir transité par la Libye et la Méditerranée. Comme plus de 175.000 autres à travers l'Italie, ils attendent -- en moyenne six mois -- une réponse à leur demande d'asile.
Mais alors qu'une grande majorité d'entre eux en Italie se consument d'ennui dans de grands centres d'hébergement, Bellune, à 100 km au nord de Venise, a fait le choix en 2014 d'un accueil centré sur l'intégration.
Cette commune de 35.000 habitants, située en plein fief de la Ligue du Nord, le parti anti-immigration, accueille une centaine de demandeurs d'asile, répartis par 4 ou 5 dans de petits appartements.
Personne ne leur prépare les repas comme dans les grands centres: "Nous voulons qu'ils s'habituent à avoir un budget, à aller au supermarché, à connaître les produits italiens", explique à l'AFP le maire, Jacopo Massaro (gauche).
Et en plus des cours de langue et de culture italienne, Bellune propose aux migrants qui le souhaitent de participer à des travaux d'intérêt général, encadrés par des bénévoles.
Sous la neige, que beaucoup voient pour la première fois, le petit groupe est en train de déblayer le site d'une ancienne caserne, qui doit devenir un grand centre culturel avec bibliothèque et salle de théâtre.
Positif si temporaire
"Je fais ce qu'on appelle du travail volontaire. Sans être payé. Mais c'est parce que sinon, nous sommes à la maison, nous ne faisons rien, simplement manger-dormir", explique Paul Adjei, un Ivoirien débarqué récemment en Italie après 10 mois de périple.
Avant lui, d'autres demandeurs d'asile ont coupé l'herbe des jardins publics, repeint des grilles ou des bordures de trottoir, déblayé les feuilles mortes dans les rues...
De petits travaux dont la commune n'avait plus les moyens, assure le maire en insistant: "Ils n'ont pris le travail de personne".
Dans un pays où 40% des jeunes sont au chômage, la volonté du gouvernement de généraliser ce recours au bénévolat des migrants passe mal auprès des syndicats qui dénoncent une forme d'exploitation et d'autres maires, qui préfèrent embaucher des administrés.
Et les demandeurs d'asile eux-mêmes n'y trouvent pas toujours leur compte: "On ne peut pas rester sans rien dans la poche, on a besoin de quelque chose d'autre. On a besoin d'un emploi", souffle Paul Adjei.
En Italie, un demandeur d'asile peut travailler au bout de deux mois, mais le bénévolat peut être positif s'il est volontaire, digne et surtout temporaire, estime Carlotta Sami, porte-parole du Haut-commissariat de l'ONU aux réfugiés (HCR).
"Beaucoup ne supportent pas de ne rien faire, alors se rendre utile quelques heures par jour pour la communauté qui les accueille peut être une très bonne chose sur le plan psychologique, cela les remet en mouvement", explique-t-elle.
Difficile à généraliser
Pour M. Massaro, les travaux d'intérêt général sont avant tout l'occasion pour les migrants comme pour les habitants, dont beaucoup étaient sceptiques au départ, d'apprendre à se connaître.
Dans l'un des appartements alloués aux migrants, à deux pas du centre historique, Arsene Obite, un informaticien ivoirien de 33 ans au physique athlétique explique se sentir privilégié.
Pendant que ses co-locataires musulmans font leur prière, il raconte qu'il épaule un professeur de français de la ville en proposant des cours de conversation aux habitants. Malgré la brume et le froid, "si c'est possible, je m'installerais ici".
C'est chose faite pour Nazruk Poramanic, un Bangladais de 21 ans au sourire timide arrivé il y a 18 mois à Lampedusa, qui vient d'être embauché dans les cuisines d'un restaurant de Bellune.
"Prenez un jeune qui vient comme ça de l'étranger, qui a envie et besoin de travailler, qui a envie d'apprendre, eh bien il reste plus longtemps", explique son nouveau patron, Nicola Micheluzzi.
Le gouvernement italien doit bientôt présenter un nouveau plan de gestion des migrants qui prévoit, outre un renforcement des moyens pour expulser les déboutés, une généralisation des travaux d'intérêt général pour les demandeurs d'asile.
Pour le maire de Bellune, ce sont les efforts de "micro-accueil" et de responsabilisation qui font du volontariat une voie d'intégration. Là où les migrants sont hébergés par centaines dans de grandes structures, "ce sera difficile d'adopter notre modèle", prévient-il.
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