Le retrait du décret assouplissant la loi anticorruption, approuvé dimanche par le Premier ministre, ne suffit pas aux protestataires qui enchaînent les manifestations depuis six jours.
Dimanche soir, au moins 500.000 personnes, selon les médias roumains, ont déferlé dans les rues de Bucarest et d'une cinquantaine de villes de ce pays de 20 millions d'habitants, aux cris de "démission" et "voleurs".
Le gouvernement dirigé par Sorin Grindeanu "n'a aucune raison de démissionner", a répété le chef du Parti social démocrate (PSD, au pouvoir) Liviu Dragnea, à l'issue d'une réunion des députés de cette formation.
Mais sur les réseaux sociaux, la mobilisation, la plus importante depuis la chute du régime communiste fin 1989, se poursuit.
"Si nous descendons dans la rue ce soir aussi, ils ne résisteront pas. C'est aujourd'hui ou jamais, ce serait magnifique si on pouvait être encore plus nombreux", écrit un internaute, Galbus, sur le compte Facebook "Coruptia ucide" (la corruption tue), utilisé par les manifestants.
"Nous sommes des millions de Roumains à partager les mêmes craintes et le même souhait de ne pas laisser les hommes politiques corrompus accaparer la Roumanie!", lance pour sa part le site #Resist.
L'exécutif social-démocrate a pourtant fait machine arrière dimanche sur un point crucial pour les manifestants, en abrogeant le décret d'urgence qui aurait permis à des hommes politiques d'échapper à la justice.
Critiqué pour avoir fait adopter cette révision du code pénal par décret, sans l'aval du parlement, le ministre de la Justice Florin Iordache a annoncé qu'un projet de loi tenant compte des critiques serait publié prochainement et soumis à des débats publics.
Mais cette annonce n'a fait que nourrir la méfiance des manifestants.
"Ils veulent revenir avec un nouveau texte au parlement. On va rester attentifs pour ne pas se faire avoir", a réagi Daniel, 35 ans.
La majorité fait bloc
Le texte initial adopté par le gouvernement mardi réduisait sensiblement les peines encourues pour abus de pouvoir et introduisait un seuil minimum de préjudice de 200.000 lei (44.000 euros) pour entamer des poursuites dans la plupart des affaires de corruption. Il faisait craindre à ses détracteurs une régression de la lutte contre la corruption qui s'est intensifiée ces dernières années en Roumanie.
L'analyste politique Cristian Tudor Popescu compare le gouvernement Grindeanu à un "voleur qui espère être pardonné s'il rend ce qu'il a volé". Or une telle attitude ne fera que maintenir les manifestants dans la rue, estime-t-il.
"Les manifestants ont gagné la première bataille. La guerre passe désormais au parlement et à la Cour constitutionnelle", titrait pour sa part Adevarul, premier quotidien roumain. Malgré le retrait du texte, la haute instance juridique doit se prononcer sur plusieurs recours déposés la semaine dernière contre le décret.
M. Grindeanu, 43 ans, en place depuis un mois, a également exclu de démissionner, assurant "avoir une responsabilité envers les Roumains" qui ont voté massivement pour les sociaux-démocrates lors des législatives du 11 décembre.
Un millier de sympathisants de cette formation ont protesté devant le palais présidentiel contre le chef de l'Etat de centre droit Klaus Iohannis, accusé avoir "fomenté" cette vague de protestation.
M. Iohannis, en guerre ouverte avec le gouvernement, devrait mettre en garde mardi contre toute tentative d'entraver la lutte anticorruption, lors d'un discours qu'il prononcera devant le Parlement.
Malgré plusieurs voix critiques au sein du PSD et la démission la semaine dernière d'un ministre, la majorité de centre gauche fait bloc, et une motion de censure de l'opposition, qui sera soumise au vote mercredi, semble vouée à l'échec.
M. Dragnea, qui passe pour être le "Premier ministre de l'ombre", a durci le ton dimanche, estimant qu'il y avait un "plan pour renverser le gouvernement". Et de demander aux institutions de l'Etat de vérifier "qui finance" les manifestants.
Mais l'écrivain Andrei Plesu s'est félicité de la renaissance d'une "conscience civique", estimant que "dans ce contexte d'inquiétude, il y a des raisons d'enthousiasme et d'espoir"
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