"Nous travaillons pour apporter à l'Agence de sécurité du médicament (ANSM) les éléments nécessaires pour une reprise dans les plus brefs délais", assure le directeur général de l'entreprise, Stéphane Piat, dans une interview au Parisien lundi.
"Mais, en France, l'innovation, tel le coeur Carmat, connaît des blocages, alors qu'elle devrait être le fruit d'une collaboration forte entre les autorités, l'entreprise, les spécialistes, les patients... Nous ne sommes pas sur la même longueur d'ondes", ajoute-t-il.
"On est dans la tourmente : la situation avec les autorités n'est pas claire", assène le responsable.
Le groupe avait volontairement suspendu son essai clinique après la mort mi-octobre du cinquième greffé d'un de ses coeurs artificiels destinés aux personnes souffrant d'insuffisance cardiaque terminale. Il avait alors poursuivi ses analyses pendant un mois, faisant notamment réaliser une autopsie, puis soumis à l'ANSM une demande de reprise de l'essai clinique le 15 novembre.
Mais Carmat a changé d'avis depuis, et retiré sa demande à l'ANSM. Raison invoquée : des procédures trop lourdes, qui brideraient l'innovation médicale en France.
"Les demandes de documents sont trop importantes par rapport au problème identifié", explique M. Piat dans Le Parisien. "Si l'attente des autorités est le risque zéro, beaucoup vont être déçus, en premier lieu les patients qui attendent d'être implantés."
Le principe de précaution observé par l'ANSM est "dépassé dans beaucoup de pays où on parle plutôt de bénéfice/risque", juge le responsable.
Contactée par l'AFP, l'entreprise basée à Vélizy-Villacoublay (Yvelines) n'a pas souhaité apporter de précision sur les conséquences pratiques du retrait de sa demande, indiquant seulement qu'une conférence de presse sera organisée fin février.
L'ANSM n'était quant à elle pas joignable dans l'immédiat.
Départ aux Etats-Unis ?
La pose du coeur chez un cinquième patient avait marqué l'entrée de l'essai clinique de Carmat dans sa dernière phase, avant l'éventuelle commercialisation de la prothèse.
Cette étape, expliquait M. Piat en décembre à l'AFP, devait inclure 15-20 patients au total jusqu'en 2018, en France, ailleurs en Europe et si possible aux Etats-Unis, avec l'objectif de soumettre un dossier de demande de marquage CE (sésame nécessaire pour commercialiser la prothèse dans l'Union européenne) "avant fin 2018".
"C'était le premier patient que nous faisions avec une gestion automatisée du flux sanguin du coeur", à l'aide d'un algorithme permettant d'adapter le flux du sang aux besoins du corps, avait-t-il alors détaillé.
Sans lever le voile sur les circonstances de son décès, M. Piat a répété lundi que le fonctionnement de la prothèse n'était "pas en cause".
Carmat semble décidé à reprendre la série d'essais à l'étranger, faute d'y arriver en France.
"Nous, nous sommes prêts à repartir. Mais je m'interroge : veut-on vraiment faire de l'innovation en France ? Certains systèmes réglementaires étrangers sont plus à l'écoute", relève ainsi lundi M. Piat en soulignant que la société travaillera "avec les personnes qui sont capables de comprendre notre problématique".
Ce spécialiste du développement commercial de dispositifs médicaux en cardiologie, devenu directeur général de Carmat le 1er septembre après avoir longtemps travaillé aux Etats-Unis, a notamment rencontré l'autorité de santé américaine (FDA).
"Ils ont une approche plus pragmatique, plus souple", juge-t-il.
Le groupe a aussi récemment accueilli à son conseil d'administration le chirurgien cardiaque Michael Mack, membre notamment du conseil d'administration de la Société américaine de cardiologie (ACC).
"Nous ne pouvons pas continuer au rythme d'un ou deux patients par an. Nous sommes à un moment de l'étude où il faut aller vite pour progresser", fait valoir M. Piat.
Toutes ces interrogations sur l'avenir français de l'entreprise étaient reçues froidement à la Bourse de Paris, où son titre chutait à la mi-séance lundi de 6,15% à 27,63 euros.
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