Comme la plupart des quarante familles d'Amona, les Lafair avaient décidé de rester jusqu'au bout, malgré les injonctions de la Cour suprême qui a tranché que la colonie "sauvage" était construite sur des terres privées palestiniennes, et les appels du gouvernement.
Ce sont donc les policiers israéliens qui sont venus les tirer de chez eux mercredi, au sommet d'une colline pelée de Cisjordanie, un territoire palestinien occupé par l'Etat hébreu depuis 1967.
Certains résidents ont résisté, plus passivement qu'activement, puis se sont laissés convaincre de partir par les policiers. Des dizaines de jeunes de la colonie ou de celles environnantes ont tenté de faire barrage de leur corps. Un petit nombre ont lancé des pierres.
D'autres encore se sont entassés dans les maisons de plain-pied, des préfabriqués posés là il y a vingt ans et jamais déplacés ou remplacés, forçant des policiers singulièrement précautionneux à les extraire l'un après l'autre.
Les Lafair avaient préparé leurs cartons avant l'arrivée des policiers, sentant le caractère inéluctable de l'évacuation.
La veille, des amis avaient donné une petite fête pour adoucir leur départ.
"Dans l'excitation, on a jeté un sofa, des chaises et d'autres possessions sur le toit. On voulait compliquer la tâche de la police", raconte Adar Lafair, en riant.
Rivka, sa femme âgée de 19 ans, est "triste et en colère". Contre qui ? "Les destructeurs du peuple viennent de son sein même. Ce sont nos propres frères juifs qui vont nous évacuer et détruire nos maisons. C'est triste, énervant, écoeurant", lance-t-elle.
Rivka Lafair est née ici, sur cette éminence d'où l'on a une vue spectaculaire jusqu'à la vallée du Jourdain. Ses parents ont été parmi les premiers à s'établir là. Pour les habitants, Amona et toute la Cisjordanie font partie de la terre biblique d'Israël, quoi qu'en disent les juges israéliens, les Palestiniens et l'ONU.
En 2014, la Cour suprême a ordonné l'évacuation d'Amona parce qu'elle avait été construite sur des terres privées palestiniennes. Mais les habitants ont toujours refusé de partir, livrant une longue bataille, définitivement perdue mercredi.
L'Etat israélien les a trahis, pensent les Lafair.
'guerre pour le grand Israël'
"Prends tes responsabilités, tu es ministre de ce gouvernement. Honte sur toi", a lancé un manifestant au ministre de l'Agriculture Uri Ariel, venu témoigner son soutien aux habitants.
Les Lafair, comme d'autres, savent à peine où aller. Les plans de relogement établis par le gouvernement sont provisoires ou aléatoires. L'échec d'un premier plan pour les reloger sur la même colline leur inspire une extrême circonspection.
Au sein du gouvernement israélien, même les plus ardents défenseurs de la colonisation, voire de l'annexion de la Cisjordanie, comme le ministre de l'Education Naftali Bennett, ont signifié aux habitants d'Amona que c'était fini pour eux.
"Nous avons perdu une bataille à Amona, mais nous allons gagner la guerre pour Eretz Israël", le "grand Israël", couvrant la Cisjordanie, a toutefois soutenu M. Bennett.
Le Parlement israélien devrait bientôt voter sur un projet de loi --soutenu par le parti de M. Bennett, le Foyer juif-- qui permettrait de légaliser ce genre d'implantations.
Le texte autoriserait à Israël à s'approprier des centaines d'hectares de terres palestiniennes en Cisjordanie et de légaliser, au regard du droit israélien, 55 colonies dites "sauvages" comme Amona.
Au regard du droit international en revanche, toutes les colonies israéliennes dans les territoires palestiniens occupés restent illégales.
Amona a été exclue du champ de la loi et sacrifiée pour que la loi puisse passer, selon des experts.
Dans la nuit, Israël a également annoncé 3.000 logements de colonisation supplémentaires en Cisjordanie. C'était la quatrième annonce du genre en deux semaines depuis l'investiture de Donald Trump. L'avènement du nouveau président américain gonfle les espoirs des tenants du "grand Israël" qui veulent accélérer la colonisation dans les territoires palestiniens.
"Les Américains ont voté pour Trump car ils ne supportaient plus la politique de renoncement à leur identité et nous ressentons la même chose ici avec notre gouvernement", affirme Ely Greenberg, qui vivait à Amona depuis 13 ans.
"Le monde change, espérons que ce qui se passe ici (l'évacuation) ne se reproduira plus", espère-t-il.
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