"Les avocats ont raté la phase du 2.0", estime Sophie Clanchet, présidente d'Eurojuris, réseau regroupant des professionnels du droit. "Quand les gens se sont mis à chercher des renseignements sur internet, les avocats, au lieu de proposer des offres adéquates, ont continué à penser qu'ils viendraient chez eux car ils sont professionnels et garants d'une bonne justice".
Des entrepreneurs se sont engouffrés dans la brèche, visant un public souvent délaissé: les particuliers et les petites entreprises.
"Tous les documents juridiques des PME", promet ainsi le site Captain Contrat. Lancé en 2013, il propose des formulaires personnalisés rédigés par des avocats à des prix, assure la start-up, "enfin abordables".
Contrats de travail, quittance de loyer, mise en demeure de payer une pension alimentaire: presque tous les documents de la vie quotidienne sont désormais accessibles sur des sites comme lebonbail.fr ou legalife.fr.
Les Editions Lefebvre Sarrut (ELS), distributeur entre autres les célèbres codes Dalloz, ont à leur disposition une énorme base de ce type de documents. Mais elle était jusqu'ici réservée aux professionnels. Le groupe, qui cherchait de nouvelles sources de croissance, s'est associé à une start-up américaine Rocket Lawyer pour les proposer aux particuliers.
"Nous avons beaucoup retravaillé les documents pour les rendre plus intuitifs et accessibles à une clientèle de non-spécialistes", explique à l'AFP Christophe Chevalley, directeur général de Rocket Lawyer Europe.
Le site, qui lancera sa version complète en mars, met aussi en relation avec des avocats spécialisés. "Pour eux c'est un canal d'acquisition, un outil de développement, pas une concurrence", affirme-t-il.
Pas d'avocat-robot
"On n'est pas en mesure de développer des robots remplaçant les collaborateurs juniors, mais il s'agit de mieux exploiter les données dont on dispose", assure de son côté Pierre Aidan, fondateur de legalstart.fr. La start-up, qui propose de générer tous les documents nécessaires à la création d'une entreprise après un questionnaire en ligne de quelques minutes, et de gérer les formalités aux greffes des tribunaux de commerce, revendique 55.000 clients depuis son lancement en 2014.
D'autres sites proposent des "palais de justice virtuels" pour régler des litiges commerciaux, comme ejust.fr. Si deux parties s'accordent pour recourir à cette procédure, l'arbitre désigné par la plateforme instruit l'affaire via internet et, dans les cas les plus simples, peut rendre sa sentence, contraignante, en 20 jours là où une procédure en justice peut prendre plusieurs années.
Les professions juridiques ne voient pas toujours d'un bon oeil l'arrivée de ces sociétés, surnommées "legal tech".
Le Conseil national des barreaux et l'Ordre des avocats de Paris ont poursuivi à plusieurs reprises le site demanderjustice.com ou son fondateur pour exercice illégal du droit. Sans succès pour l'instant.
La profession a tenté une diversion en lançant en juin 2016 son propre site de mise en relation, avocat.fr.
Les professionnels du droit peuvent aussi tirer profit des nouvelles technologies avec des services dédiés à la profession comme votrebiendevoue.eu qui permet de trouver des vacataires disponibles pour une audience.
Le traitement de données en masse permet d'effectuer rapidement des recherches dans des dossiers pouvant contenir des milliers de documents, la jurisprudence et les nouveaux textes de loi. Les algorithmes, en analysant les bases de données judiciaires, peuvent quantifier la probabilité d'une décision. De quoi affiner sa stratégie.
Ces outils, sources d'économies de temps, remettent en question le modèle économique de certains juristes.
"La facturation horaire est dépassée sauf sur certaines prestations particulières", prédit Sophie Clanchet. "On va se diriger plus vers des modèles d'abonnement."
Si les "legal tech" restent encore méconnues de nombreux juristes, la situation évolue rapidement selon Benjamin Jean, président de l'association Open Law qui milite pour l'ouverture des données juridiques et l'innovation entourant leur exploitation.
Les professionnels du droit et les start-up "étaient encore dans une posture de confrontation il y a un an", affirme-t-il à l'AFP. "On est désormais plutôt dans la recherche de solutions conjointes."
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