Cette technique, le nagashizuki, vieille de plus de 1.300 ans et inscrite au patrimoine immatériel de l'Unesco depuis 2014, produit un papier utilisé pour écrire, imprimer des livres et fabriquer des cloisons coulissantes.
Seules trois communautés la pratiquent encore au Japon, notamment dans le quartier de Misumi-cho à Hamada, dans la région de Shimane (ouest), où Benoît s'est formé auprès de deux maîtres papetiers.
"Ce geste a nécessité six mois d'apprentissage à lui tout seul", raconte sa femme Stéphanie Allard, 42 ans, qui travaille avec lui. "C'est la clé du papier Japon, car il permet de disposer les fibres en longueur, en préservant leur intégrité, ce qu'on ne fait pas pour le papier européen".
Le résultat, après séchage, est un papier doux, lumineux, résistant, qui change de couleur selon son épaisseur, respire avec l'humidité ambiante et dispose d'une longévité exceptionnelle de 400 ans.
Le couple s'est passionné pour ce papier après la fermeture, en 2009, de la papeterie industrielle dans laquelle travaillait Benoît. Grâce à une amie botaniste, ils découvrent que le mûrier à papier utilisé pour le washi pousse aussi en Camargue.
Une fois au Japon, leur formation ne se passe pas sans heurt. Après la catastrophe nucléaire de Fukushima, en 2011, le couple et leurs filles en bas âge sont rapatriés d'urgence . "On est revenus par la suite finir l'apprentissage", raconte Stéphanie.
"Ses jours sont comptés"
"J'ai appris avec des maîtres japonais à peindre le papier, le décorer, le gaufrer, etc. On n'est que cinq dans le monde à maîtriser une technique de pose de feuilles d'or pour le décorer" et "les quatre autres sont au Japon", sourit-elle. "Là-bas, l'art et l'artisanat ne sont pas séparés, ils font des choses qui n'ont pas de prix".
À Misumi où ils ont été formés, "il y avait 6.000 papetiers il y a un siècle. Aujourd'hui, ils ne sont plus que quatre", déplore Stéphanie. Et dans tout le Japon, "68.000 maîtres papetiers travaillaient encore il y a cent ans, alors qu'il n'y en a plus que 250 aujourd'hui, dont la moitié n'a pas de repreneur. Les jours de ce métier sont comptés", affirme Benoît.
Pour soutenir l'artisanat local et fabriquer du papier authentique, ils n'utilisent que des outils fabriqués par les habitants de Misumi. "Mes outils en métal, par exemple", dit Benoît, montrant le couteau avec lequel il prélève l'écorce du mûrier. "C'est un ferronnier du village qui les fait. Tout comme le tamis, c'est un monsieur octogénaire de Misumi".
Si Benoît et Stéphanie comptent à terme former d'autres artisans, ils font pour l'instant tourner l'atelier à deux. "Là-bas, ils sont plusieurs et le papetier ne fait que former la feuille. Nous ne sommes que deux à tout faire: nous sommes les seuls en Europe à faire du papier Japon de A à Z".
"Le mûrier est une plante invasive, donc on ne la plante pas. Les particuliers qui en ont dans leur jardin nous appellent, et on vient leur enlever, c'est gagnant-gagnant", explique Stéphanie qui, avant sa reconversion, a été garde de parcs naturels en Afrique, au Canada et en Camargue.
Ils mettent un point d'honneur à fabriquer un papier 100% naturel, sans aucun produit chimique et sans produire de déchet, ce qui leur a valu d'être lauréats des trophées des réserves de biosphère de l'Unesco en 2014.
Aujourd'hui, le couple le vend -- au prix de 40 euros le mètre carré -- à des peintres, des photographes, des architectes d'intérieur et des musées comme la Fondation Van Gogh ou la Fondation Luma d'Arles. Et ce dont ils sont le plus fiers, c'est d'avoir pour clients des Japonais installés en Europe.
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