"Si on supprime la coca ici, il n'y aura plus rien. Les gens survivent grâce à ça", explique à l'AFP Roberto Delgado, un commerçant de 42 ans qui redoute aussi qu'une fois les guérilleros partis, "c'en soit fini de la sécurité".
Comme nombre d'de coca habitants, il est préoccupé: tous sont habitués à payer la guérilla pour qu'elle les protège d'autres groupes armés et des forces de l'ordre, déterminées à éradiquer les cultures illicites de coca.
Mais, avec l'accord de paix signé le 26 novembre pour mettre fin à 52 ans de conflit armé, la guérilla des Forces armées révolutionnaires de Colombie (Farc, marxistes) a accepté de se dissocier du narcotrafic, devenu depuis les années 80 le carburant de la guerre fratricide qui déchire la Colombie.
Les Farc ont en effet admis s'être financés grâce aux activités liées au trafic de drogue, comme l'extorsion des cultivateurs de coca, plante sacrée des indigènes et composant de base de la cocaïne.
Et aujourd'hui, les quelque 5.800 combattants de cette guérilla, issue en 1964 d'une insurrection paysanne, se préparent à déposer les armes, selon un processus prévu sur six mois.
Peur de l'éradication
Leur démobilisation génère de l'incertitude à Policarpa, épicentre de la production de coca dans le Nariño (sud-ouest). Ce département frontalier de l'Equateur a été dévasté par les groupes armés, qu'ils soient rebelles comme l'Armée de libération nationale (ELN, guévariste), dernière guérilla active, ou qu'il s'agisse de gangs spécialisés dans le trafic de drogue, de personnes et dans les mines clandestines.
"A partir du moment où les Farc se démobilisent et que cette commune est laissée seule, il peut à nouveau y avoir une guerre entre groupes, comme par le passé, pour le contrôle" de la zone, avertit Jesus Ramos, un cultivateur de coca âgé de 42 ans.
Les paysans sont en outre sceptiques quant au plan de substitution des cultures illicites prévu dans les anciens fiefs de la guérilla, où le gouvernement a promis des subventions pour les plantations alternatives.
"Ils peuvent éradiquer la coca, mais s'ils ne nous aident pas (...) les gens vont se remettre à la cultiver", estime M. Ramos.
Alexandra Matitui, 30 ans, abonde dans le même sens. Elle a grandi et élève ses enfants dans cette région pauvre, dépourvue d'eau potable et où seule prospère la coca.
"C'est facile: la première récolte arrive au bout de six mois et ça revient ensuite tous les trois mois", explique-t-elle, ajoutant que, de surcroît, les paysans n'ont pas à l'acheminer jusqu'à la ville puisque "les acheteurs viennent jusqu'ici" en prendre livraison.
Besoin d'options viables
Dans sa masure de rondins et boue séchée, cette femme vêtue de haillons assure survivre grâce à la coca.
Cela ne la rend pas riche: un hectare de culture lui rapporte en moyenne près d'un million de pesos (environ 330 dollars) par mois, contre seulement la moitié pour l'arachide, l'avocat ou le cacao.
"Nous vivons de la coca parce que les autres produits ne sont pas rentables", dit Alexandra Matitui. "Ici, nous sommes abandonnés: il n'y a pas de routes, pas de ponts, pas de quoi irriguer".
Pour la maire de Policarpa, Claudia Cabrera, la situation est "critique" et requiert "une réelle option" pour ceux qui abandonnent la coca.
"Si le gouvernement ne parvient pas à se concerter avec les paysans pour éradiquer (ces cultures), il va y avoir une problématique sociale", craint cette femme, qui ne se sépare plus de son pistolet depuis qu'elle a été menacée par des groupes armés.
"Le gouvernement (...) nous a toujours stigmatisés comme une zone rouge. Maintenant, il doit investir!", lance-t-elle.
La Colombie, premier cultivateur mondial de coca avec 96.000 hectares et principal producteur de cocaïne avec 646 tonnes en 2015 selon l'ONU, parie sur la paix pour combattre le trafic de drogue et investir dans les infrastructures des anciennes zones de plantation.
Ramiro, commandant du Front 29 des FARC, est optimiste: "Ce qui est encourageant dans ce processus de paix, c'est la promesse de (...) surmonter la pauvreté qui mine cette région, ce vide qu'a laissé l'Etat et qu'ont comblé les Farc", dit ce chef guérillero de 44 ans, dont 17 passés à se battre dans le Nariño.
Pour lui, "il faut chercher des solutions alternatives de subsistance".
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