Un casse presque parfait portant, pour les enquêteurs, la signature de "l'homme-araignée". Principal suspect, Vjéran Tomic, 49 ans et quatorze condamnations au casier, est autant un as de la varappe qu'un voleur talentueux. Il frappe volontiers aux carreaux d'appartements en étage des beaux quartiers, prélevant presque sans casse bijoux et toiles de maître.
Arrêté en mai 2011, il avouera rapidement le vol du musée, sans jamais donner le nom de commanditaires. A ses côtés, deux hommes, dont un de ses contacts réguliers, sont poursuivis pour recel devant le tribunal correctionnel de Paris.
Pour avoir dérobé ou recelé des trésors, "en bande organisée", ils encourent jusqu'à dix ans de prison. Une peine qui peut être doublée pour "l'homme-araignée", compte tenu de la récidive légale.
Cette nuit du 19 au 20 mai 2010, il est 03H30 quand la température chute brusquement au Musée d'art moderne de la ville de Paris. Une baie vitrée en plexiglas vient d'être descellée à l'aide d'une dévisseuse, le cadenas d'une grille coulissante sectionné: un homme est entré.
La vidéo, de mauvaise qualité, ne permettra pas de l'identifier. La silhouette se glisse d'une salle à l'autre, vers la "Nature morte au chandelier" (1922) de Fernand Léger. Les rivets antivol fixés au tableau sont arrachés.
Voyant qu'aucune alarme ne se déclenche, l'audacieux continue sa déambulation. Aux enquêteurs, Tomic dira qu'il venait pour le Léger, ne pensant pas pouvoir arriver jusqu'à la robe jaune de "La Femme à l'éventail" (1919) d'Amedeo Modigliani.
Un butin de plus de 100 millions
Mais la chance lui sourit et il s'enhardit à décrocher aussi "Le Pigeon aux petits pois" (1911) de Pablo Picasso, "L'Olivier près de l'Estaque" (1906) de Georges Braque et une "Pastorale" (1906) d'Henri Matisse, des toiles qui "lui plaisent".
Un butin estimé à près de 100 millions d'euros par la mairie de Paris, propriétaire des toiles, mais jusqu'à 200 millions par certains experts.
Au musée cette nuit-là, les trois gardiens ne voient rien. Les détecteurs de mouvement sont défaillants depuis deux mois et les alarmes déclenchées par des bris de vitre hors service. En gros, "rien ne fonctionnait", avait résumé un des agents de sécurité.
C'est un renseignement anonyme qui mettra les policiers sur la trace de Tomic, une baraque de 1,90 mètre, bien connu pour ses talents dans le vol d'objets d'arts.
Sa silhouette athlétique est repérée par un squatteur rodant autour de l'esplanade du Trocadéro, voisine du musée, les jours qui précédent le vol. Son téléphone ou celui de ses proches ont borné dans cette zone à la période du vol.
Ecoutes et surveillances permettent de reconstituer son emploi du temps à la sortie du musée: son téléphone le situe gare de Lyon puis dans un parking de Bastille. C'est là qu'il se serait délesté des tableaux au profit d'un premier receleur. Un second avouera avoir gardé les toiles un moment puis s'en être débarrassé, dans des poubelles.
Une thèse qui ne convainc pas les enquêteurs. Les toiles étaient certes invendables -- des artistes trop connus, un vol trop retentissant --, mais difficile d'imaginer qu'on renonce pour toujours au regard délavé de "La Femme à l'éventail" ou aux petits pois carrés du pigeon de Picasso.
L'organisation policière internationale Interpol avait diffusé à ses 188 pays membres les photos et descriptions des cinq tableaux dérobés: une quête jusqu'ici restée vaine.
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