"Chaque individu a plusieurs vies en lui. Et dans ce métier, on développe toutes ces possibilités et c'est passionnant", expliquait à l'AFP celle qui était de retour sur la croisette en 2012 pour "Amour" de Michael Haneke, future Palme d'or.
Elle y incarnait Anne, une femme dont l'état se dégrade et qui se dirige vers la mort dans de grandes souffrances, partagées avec son mari, joué par Jean-Louis Trintignant.
Vivant ce rôle "comme une délivrance", la performance lui vaudra un César de la meilleure actrice, un Bafta britannique et une nomination aux Oscars à 85 ans, battue pour la statuette par Jennifer Lawrence ("Happiness Therapy").
Bien avant Hollywood, celle qui s'appelait alors Paulette déclame les classiques dans sa chambre d'adolescente à Remiremont, près du petit village de Cheniménil où elle est née en 1927.
A 19 ans, après des débuts de couturière et malgré les réticences de sa famille ouvrière, elle monte à Paris pour prendre des cours d'art dramatique, obtenant une bourse.
Elle entame une carrière au théâtre sous son nouveau prénom, Emmanuelle, puis est repérée par Alain Resnais qui la choisit pour le rôle principal de son premier long métrage, "Hiroshima mon amour", sur un scénario de Marguerite Duras.
"Changer de rôles"
Nous sommes en 1959, 14 ans après les premières bombes atomiques, et cette histoire d'amour entre une comédienne française et un architecte japonais dans la ville dévastée rencontre un succès mondial, amenant l'actrice pour la première fois au festival de Cannes.
En 1962, elle remporte le prix d'interprétation à la Mostra de Venise pour le rôle de "Thérèse Desqueyroux", l'empoisonneuse du roman de François Mauriac.
Emmanuelle Riva est désormais célèbre mais, à l'heure des starlettes décolorées et de Brigitte Bardot, cette brune aux yeux en amande refuse les choix faciles, préférant l'ombre à la lumière.
"Après +Hiroshima mon amour+, j'ai énormément lutté contre la classification. Ce qui nous importe, à nous les acteurs, c'est de changer de rôles", expliquait-elle à l'AFP.
Pendant cinquante ans, elle promène son jeu dépouillé et sa voix modulée au théâtre, à la télévision, et au cinéma, où elle joue - moins souvent les premiers rôles - sous les ordres des plus grands: Melville, Franju, Cayatte, Arabal, Mocky, Bellochio, Garrel.
En 1992, son rôle de matriarche implacable dans "Loin du Brésil" de Tilly la rappelle au bon souvenir des cinéphiles, et elle enchaîne un an plus tard avec "Bleu" de Krzysztof Kieslowski. On la verra aussi dans "Vénus beauté (institut)" de Tonie Marshall en 1999.
Elle campe les mères et les grands-mères depuis une dizaine d'années quand Michael Haneke la propulse à nouveau dans la lumière.
En 2014 elle est récompensée du prix Beaumarchais de la meilleure comédienne (décerné par un jury de critiques du Figaro) pour la pièce de Marguerite Duras "Savannah Bay".
"Il y a une très grande joie de sentir qu'on échappe à soi-même pour aller on ne sait pas où", estimait-elle à propos de son métier d'actrice.
"On dit +Entrer dans la peau du personnage+, cela a l'air un peu bébête, mais en fait c'est assez ça, avec toute la chair et l'esprit et le coeur".
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