L'attachement de ce hauboïste de formation au son originel lui vaut bien des épithètes: "Archéologue de la musique", "artisan musicien", "excavateur de trésors oubliés" ou encore "icône de la musique baroque"...
La représentation le 7 février à Tourcoing du "Cambiale di matrimonio", un opéra que Rossini a composé à 18 ans et tombé dans l'oubli, vient encore prouver, si besoin est, son désir de ressusciter des partitions.
"La démarche était de retrouver le son d'origine, ce qui est une utopie, car on n'était pas là pour l'entendre", glisse Jean-Claude Malgoire, barbe blanche en couronne. "On a dû faire quasiment une enquête policière au niveau des instruments, car ils existent dans différents musées, on peut prendre des cotes, faire des copies très fidèles", explique-t-il de son intarissable faconde.
Dans l'univers de la musique classique, il en a pourtant dérouté certains en interprétant des partitions de manière plus enlevée car "pour le public mélomane, Mozart c'était Karajan ou Karl Böhm, pour lesquels j'ai un immense respect mais qui sont un anachronisme musical, jouant très lentement".
Et de livrer cette anecdote: la durée de son Requiem de Mozart se limitant à 54 minutes, bien plus court que ceux enregistrés par Böhm et Karajan (70 minutes), sa maison de disque lui avait demandé de rajouter trois autres oeuvres pour arriver au bout du disque vinyle... Aujourd'hui, Jean-Claude Malgoire a néanmoins la certitude d'avoir "gagné la partie": "même dans les festivals aussi conventionnels qu'Aix, on joue Mozart avec des instruments originaux", se félicite-t-il.
Jean-Claude Casadesus, qui a dirigé pendant plusieurs décennies l'Orchestre national de Lille (ONL), voit en lui "un pionnier", qui a toujours "été pleinement dévoué à sa cause musicale" et "a redonné ses lettres de noblesse à la musique baroque".
Ancrage à Tourcoing
Rien ne prédisposait Jean-Claude Malgoire, né à Avignon en 1940 d'un père magasinier et d'une mère d'origine italienne, et qui arpentait les stades de rugby à XIII de la région, à monter à 16 ans à Paris, "sans famille et sans le sou".
Après des études au conservatoire dans la capitale et ses débuts à l'orchestre de Paris, il fonde un ensemble de musique ancienne, La Grande Ecurie et La chambre du Roy (1967), sauvant des eaux de nombreux trésors, comme des oeuvres de Lully (1632-1687) ou Campra (1660-1744).
Sa renommée le conduit aussi à diriger des bandes originales de film ("Ridicule" en 1996) et à se produire sur tous les continents, quitte à s'attirer quelques critiques, comme lorsqu'il manie la baguette au Chili ou en Argentine alors en pleine dictature. "Au Chili, ce n'était pas pour Pinochet que je jouais, c'était pour les Chiliens, les gens ont le droit à la musique. On est des missionnaires aussi".
Cette même soif d'évangélisation le pousse à s'établir à Tourcoing en 1981, à l'Atelier lyrique. "Le Nord est la première région sur le plan culturel, aucune autre n'a autant de scènes nationales, de conservatoires de région… Il y a un accès à la musique et à la danse incroyable. C'est une des raisons pour lesquelles je suis ancré ici", s'enthousiasme-t-il.
Et malgré son accent chantant, il ne faut surtout pas s'aviser de le qualifier de "méridional". "Je n'ai jamais eu envie de retourner dans ma région. Il n'y a pas de région plus +aculturelle+ que PACA, c'est horrible", persifle celui qui souhaite poursuivre sa carrière "tant que la santé sera là".
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